Lettre du roi de Navarre au roi d Aragon

Lettre du roi de Navarre au roi d Aragon

21 janvier 2015 0 Par lechampenois

Lettre du roi de Navarre au roi d’Aragon – 1340 

Philippe, roi de Navarre , écrit à son gendre Pierre IV , roi d’Aragon , pour l’engager à rester fidèle au roi de France et à repousser les avances éventuelles d’Edouard III, roi d’Angleterre, qui cherche partout des alliés, dans sa lutte contre le roi de France, dont il vient de prendre à Gand le titre et les armes.
Après un séjour de plusieurs semaines dans la cité flamande, il est retourné en Angleterre, laissant sa royale épouse (3) sous la garde de Jacques van Artevelde (4).

Peu après, celle-ci met au monde son quatrième enfant, appelé d’après le lieu de sa naissance, Jean de Gand ou John of Gaunt (*),et surnommé « Guandibus » d’après notre lettre, dont nous reproduisons ici le texte.

A tres excellent et puissant prince don Pierre, par lagrâce de Dieu roy d’Arragon, de Valence, de Sardine et de Corsique et conte de Barchelonne, nostre tres cher filz : Philippe, par ycelle grâce roy de Navarre, comte d’Ëvreus, d’Engolesme, de Mortaigu, de Longueville, salut et accroissement de tout honnour.
Tres cher filz : nous qui sommes tres desirranz en cuer de sçavoir vostre bon estât, vous prions tres chèrement que souvent par touz les messages venans par deçà nous en veullez faire scavoir la certaineté, quar nous sommes tres  liez et esioyz comme oyr en povons bonnes nouvelles. Du nostre estât savoir vous faisons que quant ce fu fait nous estions en bon point, grâce nostre Seigneur qui ce vous veulle otroier. Tres cher filz : Crespin, vostre porter, qui par deçà avoit esté envoie pour faire faire certaines choses, s’en va par delà et pour attendre les dictes choses nous l’avons fait si longuement demorer ; si vous prions ben a certes que de sa longue demeure le veullez vous ben avoir pour excusé.
Et, tres cher filz, les choses pour les queles le dit Crespin avoit esté envoie par deçà nous vous envoions par Belon du Bois Menart, qui norry nostre chère fille la royne d’Arragon, vostre compaigne, pour ce que elle a sommier, si peut les choses porter mieuls et plus scurement queneferoit le dit Crespin qui n’en a point ; et c’est la raison pour quoi le dit Crespin ne porte pas les choses.
Tres cher filz : des nouvelles de par deçà veullez sçavoir que le roy d’Engleterre est passé, si comme len dit, en Engleterre et sa femme la royne si gist a Gant d’un filz que on appelle Guandibus.
La semonce de Monseigneur le roy est au premier jour de may. Le roy d’Engleterre a moult aliez et quiere moult granz alliances ; toutefoiz Monseigneur le roy si a envoie genz d’armes grant foison sur les frontières des alliez, 

c’est assavoir, des flamenz et de autres pour garder que il ne mesfacent en son royaume et pour euls mesfaire avant que euls ne mesfacent par deçà. Et ben briefment en ce nouvel [temps] nous croions que vous orrez si bonnes nouvelles de
par deçà que vous et touz les bons amis de monseigneur le roy en aurez joye. Tres cher filz : nous vous prions tres de cuer et si a certes comme plus povons que se len vous parloit de vous allier au roy d’Engleterre, ne vous y veullez ac
corder ne consentir en aucune maniere pour chose que len vous die, quar, tres cher filz, il nous peseroit se vous perdiez l’amour de Monseigneur le roy, qui si pres vous est de lignage, pour avoir l’amour d’un autre ; et, tres cher filz, nous pensons ben que len vous en parlera et vous dira len moult de choses qui ne seront pas vraies et plus assez que il n’y aura. Et, tres cher filz, le roy d’Engleterre a mis moult grant peine d’avoir alliances et chascun jour labore il a ce qu’il en ait, mes, Dieu mercy, plusieurs de ceuls qui accordez se estoient a lui li faillent et ont failli.
Tres cher filz : le Saint Esperit vous ait en sa garde.Donné a Pacy, le xxiuie jour de mars ».

Au dos : « A tres excellent et puissant prince don P., par la grâce de Dieu roy d’Arragon, de Valence, de Sardine, de Corsique et conte de Barchelone, nostre tres cher filz ».

Archives de Barcelone , In: Revue belge de philologie et d’histoire. Tome 18
fasc. 1, 1939. pp. 96-99.