Éloge faite par le Général THOUMAS

Éloge faite par le Général THOUMAS

13 décembre 2018 1 Par lechampenois

Fils d Officier supérieur d’ artillerie qui suivis

Napoléon dans les campagnes de d’Allemagne et de Prusse.

Charles Thoumas ne peut être que soldat (1820-1890)

Le Général Thoumas ,l’auteur de ces Causeries militaires à  qui nous sommes heureux de faire souvent d’intéressants emprunts , réserve la dernière  partie de sa chronique de mardi au vétéran de la Grande-armée qui s ‘est récemment éteint dans notre ville .
L’honorable général ayant eu entre les mains les souvenirs laissés par M.Mathieu Martin , en donne le résumé suivant :

Je reviens au sujet de mes études favorites , c’est à dire l’armée ancienne .Au soldats de Jemmapes , d’Austerlitz et de Waterloo . De quel limon était-ils donc pétris ces hommes qui , suivant l’expression du Général Foy , << transportés par un pouvoir magique du foyer paternel aux extrémités de l’Europe , irrités à la fois par le besoin et par le danger contractaient une ivresse qui les empêchait  de succomber à des fatigues inouïes . >> Les rares et les derniers survivants d’entre eux n’ont évidemment pris pat qu’aux dernières  campagnes de l’Empire , pendant quatre ou cinq ans tout au plus .Mais en ce court espace de temps ils ont été soumis à de rudes épreuves.

Et cependant voici un de ces dignes vétérans qui vient de mourir au moment ou il allait atteindre sa centième année , sans avoir connu dans le cours de cette longue existence , ni les infirmités , ni la maladie. Peu d’année avant sa mort , alors qu’il était déjà plus que nonagénaire , il résumais lui-même avec une netteté et une grande précision remarquables , dans quelques pages écrites d’une main ferme , l’histoire de sa vie : Elle est bien simple cette histoire .

Né le 11 Octobre  1792 en Bourgogne , M.Mathieu  Martin travaillait à Dijon , dans les bureaux du receveur général de la Côte D’or lorsque le 19 avril 1812 il fut inscrit avec le grade de sergent dans la 55° cohorte. Tel  était ,ont le sait , le nom donné au cent bataillons de gardes nationaux pris parmi les hommes valides échappés à la conscription et qui devaient servir à l’intérieur , mais qui contribuèrent à  réorganiser la Grande-armée  en 1813.

Cette 55° cohorte ( Côte D’or ) , est envoyée avec les 56° ( Aube et Haute-Marne ) , 57° ( Saône-et-Loire ) et 58° ( Yonne ) en Hollande , ou elles forment le 22 février 1813 , le 153° régiment de Ligne qui entre dans la composition du 5° corps d’armée commandé par le Général Lauriston .

Placé dans la division Maison , le 153° combats à Halle , à lutzen , à Leipzig , à Weissig ou le 5° corps bat les corps prussien et russe d’York et de Barclay de Tollly, à Bautzen , à Wurichen , à Haynau , pousse avec sa division jusqu’à Golberg , lors de la signature de l’armistice , assiste à la reprise des hostilités à la bataille de Katzbach  , MC Donald est battu par Blücher , et à la retraite désastreuse qui suivit cette défaite .Après de nombreuses marches et contremarches , il vient combattre le 16 octobre à Wachau et le 18 à Leipzig . Son corps d’armée forme l’arrière-garde le 19 , lors de l’évacuation de Leipzig : il est coupé de l’armée par la destruction du pont.

Martin , traverse l’Eister à la nage au moment même ou Poniatowski se noie , ainsi que le Colonel  Fremyn du 153° ; tandis que le Général Lauriston est fait prisonnier avec une partie du corps d’armée. Blessé , appuyé sur un bâton  , vivant comme il peut , Martin suit les débris de l’armée en retraite  et passe le Rhin à Mayence le 1° novembre ;il est nommé sous-lieutenant dans une revue passé le 8 novembre par le major général Berthier  et prend  part ,dans le corps de Macdonald ,à tous les combats de la campagne de France .

Après la rentrée des Bourbons , le 153° est licencié ; le 1° bataillon , dont fait partie Mathieu Martin , est incorporé au 52° de ligne.
Viennent les Cent-jours : le  52° fait partie de la division Berthezéne et du corps de Vandamme . Il prend part , le 16 juin 1815, à la bataille de Ligny , ou la division Berthezéne luette pour la prise et la reprise du village de Saint Amand , si vivement disputé.

-Le 18, pendant la bataille de Waterloo, cette division est engagée dans le sanglant combats de Wavre , qui recommence le 19 au matin et qui se termine  par la prise inutile de Wavre.La défaite de Waterloo a terminé la campagne : il faut, malgré le succès du 19, battre en retraite. Le corps de Vandamme rentre à Paris pour être envoyé au-delà de la Loire , le 52° est licencié avec le reste de l’armée .Martin avait été nommé chevalier de la Légion–d’Honneur pour sa conduite au combat de Wavre. Cette nomination est annulé par le gouvernement de la restauration. Mis en demi-solde , désespérant d’être rappelé à l’activité , Martin parvint , après avoir travaillé pendant quatre ans dans les bureaux de la conservation des forêts, a se faire nommer percepteur après la révolution de Juillet .

Le roi Louis-Philippe lui rend, le 28 novembre 1831 , la croix qu’il avait obtenue le 5 juillet 1815 ; mais ce n’est qu’en 1854 qu’il est admis à recevoir le traitement de chevalier , trente-neuf ans après avoir été décoré .
En faisant cette remarque , lui-même observe qu’il s’est rattrapé en restant longtemps debout. Il exerce jusqu’au 20 mai 1862 ses modeste fonctions  de percepteur et  devenu  veuf se retire au  mois de novembre  1866 chez son plus jeune des fils  à chalons-sur marne , << ainsi , dit-il , dans la note à laquelle j’ai emprunté ces détails , s’est écoulé ma vie en grande activité pendant soixante ans et en repos pendant un longue vieillesse exempte d’infirmité et de maladies ,d’ou j’espère une fin douce et calme.>>

-Le 6 juillet dernier , le 106° régiment d’infanterie, en garnison à chalons , fêtait l’anniversaire de la bataille de Wagram ; le Colonel Groulard envoya une députation de sous-officiers chercher avec une voiture M.Matieu Martin et le pria de présider le banquet.
Le vétéran fut profondément ému et touché de cette démarche , surtout lorsque le colonel qui devait , hélas ! mourir peut de temps après ; précédant dans la tombe celui dont il honorait la verte vieillesse , le présenta à tout le régiment comme un modèle à suivre.

Ce fut sans doute une dernières joies de M.Mathieu Martin : il avait eu celle de parvenir jusqu’à un age aussi  avancé, en conservant ses deux fils et en jouissant de leur prospérité. L’on étant devenu ingénieur en chef et l’autre chef de section à la compagnie de l’Est. Quel contraste entre la carrière de ce vieux soldat , qui marcha toujours droit devant lui , et les aspirations fiévreuses , les ambitions malsaines , les découragements pusillanimes  dont nous sommes trop souvent témoins ! Et que de gens auraient besoin de prendre pour eux cette leçon ,par laquelle M.Martin termine la note qu’il écrivait alors qu’il était âgé de plus de quatre-vingt dix ans .

<< Si mes petits et arrière-petits-fils lisent ces notes , ils y verront que la vie est difficile et qu’ils faut toujours se résigner, se raidir contre les difficultés et les vaincre par une ferme volonté. C est ainsi qu’on arrive satisfait à la dernière limite de sa vie. >>

Retranscription Journal Marne 21-10-2007 ©Gruson Eric