Moult m’est belle la douce commanéance

20 janvier 2015 0 Par lechampenois

Moult m’est belle la douce commançance 

Moult m’est belle la douce commançance
Ou nouvel temps, à l’entrant de Pascour,
Que bois et prés sont de belle semblance ,
Vers et vermeus, couvers d’erbes et de douté.
Et je sui, las! du tout en tel semblance
Que en proiant à jointes mains aour
Jor-Ma belle mort ou ma haute richour.
Ne say lequel, s’en ai joie et paour:
Si que souvent chant là, où de cuer plour;
Car lonc respit m’esmaie et meschéance.

Ja de mon cuer n’istra mais la semblance,
Dont me conquist Amours par sa douçour,
Celle, que j’ai du tout en remembrance;
Si que mes cueis ne sert d’autre labour.
Hé! Douce riens, en qui j’ai m’esperance,
Car se vous truis le semblant manteour,
Vous m’avez mort à loy de traitour.
Si en vaura moult mains vostre valour,
Sé m’ociez ainsi par décevance.

Las ! com m’a mort débonnaire lance ,
S’ainsi le fait mourir à tel doulour !
De ces biaus ieulz me vint sns déffiance
Férir el cuer ; que n’i ot autre tour.
Moult voulentiers en priesse venjance ,
Sé peusse , par Dieu le créatour,
Tel que mil fois la peusse le jour
Ferir au cuer d’autre tel savour ,
Sé j’eusse de moi vengier puissance.

Ne cuidiez pas, Dame , que je retraie
De vous amer , sé mort ne l’ me deffent ;
Car fins amour tient mon cuer et maistroie ,
Qui tout me donne à vous entiérement .
Si que de moi ne sai confort ne joie ;
Fors tant que il m’avient souvent
Que je m’oubli souvent enre la gent ;
Et tel delit ai en mon pensant
De vous , Dame , à qui Amours me rent ,
Que s’à vous n’est , ja parler n’en voudroie

Hé ! Fracnhe riens , puis qu’en vostre manoie
Me sui tout mis , trop me secouez lent.
Car nuls dons n’est , qui tant deloie :
Si s’esmaie trop cil, qui ce atant.
Qu’un petis dons vaut miex , sé Dieux me voie ,
Qu’on fait courtoisement ,
Que cent greignor fait amoureusement .
Car , qui le sien donne retraitement ,
Son gré en pert et plus cousteusement
Que ne fait cil , qui bonnement l’otroie.