César Soulés

César Soulés

30 janvier 2016 0 Par lechampenois

Il a fait Parti de la Société d »agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne.

 

Né à Avize le 15 Août 1754 

En 1805 La Société d »agriculture , pour honorer et récompenser leurs utiles travaux , à décerné à M César Soulés une médaille de première classe.

Deux livres fait par lui mais des billets dans la Société de l agriculture de la Marne

Recueil de mémoires , observation et pétitions sur divers objets d »utilité publique .

Chalons sur marne
Imprimerie de Boniez ,1839 in-de 32 pages

Pensées et souvenirs :  Chalons sur marne Imprimerie de Boniez-lambert , 1839 , in-8 de 20 pages.

Recueil de mémoires 

COPIE d’une adresse au Roi des Français ( Février 1836). SIRE ,

LE signataire de l’exposé ci-après se permet de croire qu’il est au nombre des plus respectueux et des plus soumis sujets de Votre Majesté ; de croire aussi que cet exposé , étant mis sous vos yeux, vous voudrez bien , SIRE , y joindre intérêt avec ordre à qui de droit de communiquer vos intentions aux Chambres.

Vous êtes supplié , SIRE , d’avoir la conviction qu’une honorable réponse de votre cabinet serait suivie de la reconnaissance sans bornes du soussigné , qui aurait ainsi la satisfaction de pouvoir réunir cette réponse à l’accusé de réception de deux adresses , dont il est honoré , en date du 27 octobre 1850.

Votre Majesté a ordonné l’envoi de ces deux adresses au ministre des finances.

EXPOSÉ soumis à l’avis des autorités supérieures , dans les vues d’affermir l’honorable opinion de la France en faveur de son Gouvernement et de MM. les Députés ; de propager l’ordre social, inspirer la réciprocité du respect et les services mutuels , diminuer le nombre des indigents en améliorant leur sort, sans fatiguer la classe aisée ; et ce , par l’adoption d’un décret concernant les articles suivants :

Les hommes , les femmes, nés français, ainsi que les étrangers domiciliés et les voyageurs, les uns et les autres âgés de 20 à 60 ans, forment le plus grand nombre de la population , dont une partie est sans moyens , sans état et sans ressources , faute d’activité et de bonne volonté pour s’en procurer. Cette faute est occasionnée par le désœuvrement et l’insouciance ; on sait que l’homme désœuvré est à charge à lui-même et à la société , et contracte de mauvaises habitudes. Le désœuvrement conduit à la misère , à l’indigence , au malheur, au désespoir, et quelquefois même au crime. Par conséquent, il est indispensable aux hommes honnêtes de se créer une distraction honorable, de tra-


( 2 )

vailler à une chose ou à une autre, et de ne pas abandonner les travaux , pondant qu’ils sont valides, surtout quand ils manquent de fortune. Ceux qui sont privés d’un avoir d’environ 20,000 francs , suivant l’estimation locale, qui n’ont aucune infirmité connue, ne devrait-on pas les contraindre , ou au moins les engager à adopter un emploi quelconque pour aider à leur subsistance , et les mettre à même d’éviter le vagabondage , la paresse , et au total beaucoup de vices pernicieux ?

Ne pourrait-on pas obliger la population entière , dans les âges qui viennent d’être désignés, à se pourvoir d’un certificat qui constaterait le sexe, le signalement, le lieu de naissance , l’âge et la profession ? Ce serait un moyen de sûreté , qui aurait pour effet d’exciter l’activité aux travaux. Ce moyen ne détruit pas la liberté de changer d’état et de commune , si l’on croit mieux faire , et n’apporte aucun obtacle à la liberté de voyager par tous pays, à la condition toutefois que chaque voyageur, pour sortir de son département, devrait être muni d’un passe-port, revêtu des mêmes renseignements que ceux indiqués dans le certificat, sanctionné à la préfecture ou à la sous-préfecture de l’arrondissement, et encore avec obligation de présenter ce passe-port à la réquisition des inspecteurs chargés de l’inspection , et de le soumettre à l’administration de la commune où les affaires exigent un séjour de plus de deux jours. Il serait bien d’accorder pour le passe-port le terme d’une année , comme d’usage ; ce terme expiré , il serait remplacé par un autre , au besoin.

Presque tous ces articles sont ordonnés, mais ils sont mal exécutés , par trop de tolérance.

Les passe-ports devraient être partagés en trois classes : 1re, 2me et 3me ou classe inférieure. Il conviendrait de les assujettir , ainsi que les certificats , à une faible perception , laquelle servirait au paiement de diverses choses extrêmement utiles. Fixer la perception du certificat à 1 franc une fois payé ; on n’aurait pas à s’en plaindre. La perception pour les passe-ports de la classe inférieure , pourrait être fixée à 75 centimes seulement ; la 2me classe est celle des patentés : la perception de leurs passe-ports devrait être proportionnée au prix de la patente , soit 1/2 , soit 1/5 ou 1/4. La 1re classe est composée des personnes dispensées de se soumettre aux droits de patente ; leurs voyages étant autant par plaisir que par intérêt, la perception devrait être portée au taux des patentes de 1re classe, en raison des fortunes, en raison aussi de ce que cette 1re classe ne contribue pas aux charges de l’Etat, comparativement à la 2me, qui serait composée des cultivateurs , des négociants , des marchands et des artisans. Les uns et les autres sont chargés et surchargés d’impôts sur’impôts, et ils versent considérablement à la caisse du gouvernement ; encore une fois : là 1re et la 2e classe ne sont pas comparables ; ce qui porte à dire : « On fouette trop le cheval « qui tire. Ce n’est pas celui qui gagne l’avoine qui la mange ; il est » souvent mal rationné. »

Ces deux perceptions pourraient être employées comme ci-après : Dans les communes de 10,000 habitants et au-dessous : 1/5 au bénéfice de l’administration pour subvenir aux frais administratifs ; 1/5 versé dans la caisse des indigents, et 1/3 sacrifié aux réparations des rues


( 3 ) et des chemins. Le bénéfice des travaux tournerait en grande partie à l’avantage des indigents.

Dans les communes de 10 à 25,000 habitans : 2/8 pour l’administratration ; 2/8 pour les indigents ; 1/8 pour les chemins et 3/8 pour le gouvernement.

Dans les communes plus importantes : 2/8 pour le gouvernement, 5/8 pour les indigents et 5/8 pour l’administration.

Plus les communes sont populeuses, plus aussi elles contiennent d’indigents , et plus encore l’administration est chargée de frais administratifs.

Les 5/8 attrribués au gouvernement peuvent suffire pour couvrir le timbre des passe-ports et des certificats , ne devant pas être à la charge ni du peuple ni des administrations.

Le recensement annuel des personnes âgées de 20 ans et au-dessus , devrait se faire au commencement de chaque année, de même que l’exécution du décret à intervenir devrait être fixée pour le commencement d’une année. L’un et l’autre seraient affichés et publiés plusieurs mois à l’avance, pour que chacun fût à même de se pourvoir de son certificat. Le décret étant dans l’intérêt du public, ainsi que pour la sûreté de l’état et pour le soulagement des indigents , il est probable qu’aucun refus n’aurait lieu, dans la crainte de se faire exclure de la société et par suite déporter.

La liberté et l’égalité sont fréquemment mal comprises par les personnes peu éclairées. La liberté ne dispense pas d’une conduite régulière ; elle ne » dispense pas non plus de faire autant de bien qu’il est possible, et elle n’autorise pas à commettre des actions indécentes , ni à faire le mal, à beaucoup près. La liberté ne peut jamais être parfaite , absolue : la population sera toujours dominée par les magistrats ; les soldats ne peuvent pas se dispenser d’obéir aux commandements de leurs officiers ; les compagnons et apprentis sont obligés de suivre les ordres des chefs d’atelier ; il en est de même pour les journaliers domestiques auprès des maîtres de maison : donc, il est impossible de prétendre à une liberté générale.

L’égalité est un droit pour tous les hommes, n’importe leur naissance ; ceux qui adoptent et suivent les bons principes , acquièrent l’estime de tous les gens de bien ; ils se tracent le chemin de l’honneur, en ne s’en écartant pas, ils peuvent arriver aux grades supérieurs. C’est ce que le gouvernement a eu et a encore l’intention de faire comprendre.

Le soussigné a l’honneur d’être , etc.,

Signé C. S.


( 4 )

EXPOSÉ soumis à l’avis du Roi des Français relativement au mode des électious et d’une partie des travaux publics ( 15 mars 1836). SIRE ,

Votre Majesté est priée de pardonner l’importunité.

Il semble que, dans les assemblées primaires , le vote de tous les propriétaires cotés au rôle des impositions devrait être admis, attendu qu’ils sont sujets et citoyens et qu’ils contribuent aux charges de l’Etat ; attendu aussi que dans toutes les classes il existe des hommes sages, munis de jugement et de bonne foi. Celui qui possède peu devrait avoir la liberté de défendre ses intérêts comme celui qui a de grandes possessions.

Les communes ne contenant pas 50 votans, y compris les hameaux et les fermes, pourraient être réunies à d’autres, par l’administration du chef-lieu de canton. Les 50 votans ne pourraient-ils pas être autorià en choisir 10 d’entre eux, pour les faire arriver au chef-lieu de leur canton ? Ceux-ci voteraient en faveur de 5, qui se rendraient au cheflieu d’arrondissement, pour élire deux électeurs. Il en pourrait être ainsi pour chaque commune. Les électeurs définitifs seraient tenus , à leur tour , de se rendre au chef-lieu de département, comme autrefois , pour nommer leurs députés , sans qu’ils leur soient désignés ( La désignation gêne la liberté des suffrages et embarrasse les consciences ).

Cette marche pourrait être suivie pour nommer MM. le conseillers de département : ce serait le moyen d’épurer les élections et d’éviter le danger de la partialité.

Quant au mode d’une partie des travaux publics, la loi paraît vicieuse ; il est facile de s’en convaincre.

On sait que dans les communes dispensées du droit d’octroi, l’entretien des rues est à la charge des habitants. On sait aussi que les chemins vicinaux doivent avoir une largeur de 6 mètres au moins ( 18 pieds ), alignés, autant que possible, de coude en coude ; l’excédant de largeur doit être conservé.

Le vice de la loi est de dire que les chemins seront réparés et entretenus par les communes , chacune sur son terroir : ce qui prouve qu’il a été oublié de remarquer que beaucoup de grandes communes n’ont presque pas de traversée de terroir, et qu’une infinité de petites, même des fermes, ont un long trajet de finage à autre ; de remarquer aussi que les chemins sont fatigués, plus particulièrement par les charrois que nécessite la culture, et par les transports pour le commerce. Il n’est pas naturel que les personnes qui ne jouissent d’aucun transport, qui n’ont ni chevaux ni voitures, dont beaucoup voyagent avec le bâton à la main , même quelques-unes avec des sabots, soient chargées d’un fardeau aussi pénible. Ce serait, en quelque façon , rétablir l’esclavage.

Il parait indispensable de faire ces travaux au marc le franc des impositions.

Ce n’est pas un motif pour frapper fort sur le foncier ; les cultiva-


( 5 )

teurs ont besoin d’être ménagés ; le produit de leurs travaux est trèsminime. Les centimes additionnels pourraient être prélevés pour une très-faible portion sur la classe qui vient d’être désignée ; l’industrie, le commerce et les voyageurs devraient contribuer aux frais pour une autre portion.

Cette perception aiderait à assister les| indigents invalides.

Un moyen préférable à celui-ci serait d’imposer les chevaux et les voitures; ce qui déjà été dit, à tant par cheval, selon son service , et à tant par roue proportionnellement à la classe de celui qui l’emploie.

Un chemin qui n’est pas fréquenté par les chevaux et les voitures , est toujours en bon état.

Partie de ces observations ont été précédemment insérées dans des pétitions soumises aux Chambres , et notamment dans une adresse souscrite par le soussigné , laquelle adresse a dû être remise par M. le comte Guéhéneuc, député en 1850. Les unes et les autres sont demeurées sans succès, en raison des nombreuses occupations des chambres. Cependant un des articles sollicités par l’adresse se trouve, pour ainsi dire , conforme au projet de loi actuellement en discussion. Il est celui pour aligner les chemins, autant que possible , de commune à autre , les diriger des petites aux grandes, particulièrement sur lès chefs-lieux de cantons et sur ceux d’arrondissements ( Cet article a infiniment de rapport avec beaucoup d’autres ).

SIRE , Votre Majesté est suppliée de faire connaître ses intentions, comme d’être persuadée du profond respect de votre soumis sujet,

C. S.

CABINET DU ROI.

Aux Tuileries, le 18 mars 1836. Monsieur,

Le Roi a eu sous les yeux les observations sur les élections municipales et sur les travaux communaux, que vous lui avez adressées.

J’ai l’honneur de vous prévenir qu’elles viennent d’être renvoyées à M. le ministre de l’intérieur.

Recevez, Monsieur, l’assurance de ma parfaite considératiou ;

Le sous-secrétaire du Cabinet,

LASSAGNE.


( 6 )

AVIS

OBSERVATIONS sur différents moyens paraissant convenables à employer, pour augmenter la valeur du sol, ainsi que le produit des vignes dans le canton d’Avize , ou autrefois le vin de raisins blancs était préféré à celui de raisins noirs.

Le goût étant changé, celui des raisins noirs a la préférence , ce qui n’est pas surprenant, par la raison qu’il est plus, vineux et plus facile à clarifier,

Depuis plusieurs années, les marchands achètent, dans les crus inférieurs, les raisins noirs seulement, c’est un motif qui devrait engager les propriétaires de vignes, sur les terroirs du Mesnil, d’Oger, d’Avize, de Cramant, de Cuis, à changer la nature de leurs vignes, en mettant les hauteurs en pur noir ; les demi-côtes deux tiers en noir, un tiers en blanc ; mélanger dans les basses-vignes , moitié noir et moitié blanc ; ce mélange est pour éviter le manque de récoltes dans certaines années, le temps étant plus favorable pour une espèce que pour l’autre. Ce changement peut paraître difficile , presqu’impossible , cependant il ne l’est pas.

Chaque propriétaire peut diviser ses lots par 12e, ou même par 15e , greffer les vignes qui peuvent l’être, arracher les trop vieilles en gardant la proportion qui vient d’être indiquée. La partie destinée à être arrachée le serait à la suite des vendanges; dans cette partie on pourrait semer du froment, s’il en était encore temps ; au cas contraire, on y semerait orge ou avoine, au printemps ; la récolte dndemniserait du manque des vendanges ; le terrain serait raffermi et en état d’être planté l’hiver suivant.

Le moyen pour se procurer du plant sûr et d’une bonne nature , c’est de visiter, peu de temps avant les vendangés , les vignes des propriétaires qui veulent en vendre, et de convenir du prix pour les livrer à la volonté de l’acheteur.

Quant à la greffe, le prix ne peut en être que médiocre, par la raison que l’on emploie le bois crossette de la taille précédente au moment de greffer. Le vigneron, au fur et à mesure qu’il taille, ramasse

Cet avis est donné par un ancien cultivateur , dans sa 83e année, désirant convaincre les personnes d’un moyen-âge que c’est à la suite d’une longue existence que l’expérience se manifeste.


( 7 )

les crossettes lorsqu’il a l’intention d’en faire l’usage indiqué, ayant soin de les mettre au frais pour conserver la sève jusqu’au moment de greffer.

Partie des propriétaires plantent 70 ou 75 ceps par chaque verge, c’est un tort, on ne doit pas planter moins de 100 ceps, pour que le terrain soit plutôt garni, et ne pas énerver le plant en se contentant de provigner à deux branches au lieu de trois.

A la suite de la première provignerie, il doit se trouver 200 ceps par verge : ce qui fait 20,000 par arpent. Etant suivis comme on devrait le faire, ils peuvent produire, année commune, 3 grappes l’un dans l’autre. En admettant que quelques ceps n’en aient pas , d’autres en produisent 2, 5, 4, et jusqu’à 6 et 7 ; ce qui peut, par conséquent, être évalué à 5 l’un dans l’autre , pu 60,000 par arpent. En admettant encore que le panier de la vendangeuse en contienne 50 à 60, le produit pourrait être considérable, étant bien suivi encore une fois dit, parla raison qu’un panier mannequin, faisant la moitié de la charge d’un cheval, en contient 20, ce qui fait 80 pour les deux charges, estimées régulièrement pour une pièce de vin. Par conséquent, les vignes bien suivies, en année ordinaire, peuvent produire, dans cette côte-ci, de 10 à 12 pièces par arpent. Malheureusement cette culture n’est pas inspectée autant qu’elle le mérite, par un grand nombre de propriétaires qui font valoir à la tâche ou à la journée , qui souvent même la méprisent. La preuve de leurs torts est le produit en faveur de celui qui cultive lui-même.

En plantant, il faut mettre du magasin sur la racine pour exciter une prompte et forte végétation ; le vigneron doit suivre son plant et le surveiller avec autant de soin qu’une mère surveille son propre fils.

La saison la plus convenable pour provigner et rétablir une vigne qui est en mauvais état, est, après les vendanges, entre la chute des feuilles et les gelées ; que la terre soit fraîche ou non, sans que les ceps soient mouillés , pourvu que l’ouvrier puisse travailler, l’ouvrage est bon ; l’hiver répare les travaux de cette espèce, qui seraient préjudiciables au printemps.

L’engrais qu’on emploie habituellement sur un provin, au mois de mai, suffit pour deux et même trois dans la saison qui vient d’être indiquée ; on en obtient une forte sève à la belle saison.

En suivant les travaux comme ils sont indiqués, la septième année les propriétaires pourraient se dispenser de continuer l’achat du plant et des greffes, pouvant s’en procurer dans leurs vignes , les premières renouvelées.

Pour les travaux de cette espèce, il faut commencer par émonder les ceps, c’est-à-dire couper le bois inutile, en conservant un et deux, autant que possible, quelquefois trois brins, pour disposer les provins, et ce , en proportion de la place qui se trouve devant le cep. Mais si ce cep est trop faible, contentez-vous d’en conserver une branche, si petite qu’elle soit; le faisant vous rachetez ce cep qui aurait été énervé ; en le provignant vous lui rendez la vie. Chaque cep , comme provin , doit être tenu par l’ouvrier et ne peut être rogné avant la dernière quinzaine de mars. Cette manière de travailler une vigne est connue de tous les vignerons qui cultivent eux-mêmes ; elle ne l’est pas de tous les


( 8 ) propriétaires, qui, faisant cultiver, ne se donnent pas la peine d’en prendre connaissance, ce qui est cause des plaintes que l’on forme pour la différence des récoltes , le cultivateur en obtenant de plus abondantes que le propriétaire. Ce travail dispense d’une bécherie au printemps. On répète que cette vigne ne doit être rognée à hauteur convenable, pour avoir de la récolte , qu’à la fin de mars pour éviter la végétation avant celle des autres vignes.

Les vignerons devraient changer leur méthode ancienne pour la provignerie, qui est de faire une espèce de rempart autour du provin, ce qui est extrêmement préjudiciable. Une grande partie de ces provins se trouve engorgée dans la terre ; cet engorgement occasionne la pourriture. Pour éviter cet inconvénient, il est préférable d’étendre la terre à droite et à gauche, pour que le provin ne puisse pas se distinguer facilement dans les autres ceps.

Les échalas devraient avoir la pointe au plus faible bout, ils s’entretiendraient mieux. Généralement il convient de conserver la force à la tête, pour supporter le coup du maillet ou du rouale ; on devrait toujours ficher au maillet ; par cette mesure on s’éviterait la peine de relever l’échalas à chaque instant : la forte tête conservée à l’échalas garantirait des coups de vents et de la grêle.

Toutes les racleries devraient être faites du haut en bas de la vigne , ce qui entretiendrait la têtière et la culée toujours dans le même état ; ce qui aussi couvrirait la hoque du cep , et éviterait aussi de couper le chevelu.

Pour augmenter la valeur du sol ainsi que la qualité du vin dans le canton d’Avize, il ne suffit pas de changer la nature du plant ; il faut nécessairement renoncer à la terre de la montagne du canton, à l’exception de la superficie qui peut être employée dans les hautes vignes en mélangeant cette terre avec moitié fumier. Le terrain des hautesvignes , quoique fort en apparence , exige beaucoup plus d’engrais que celui des basses vignes. Dans les mi-côtes , comme dans les basses vignes , la terre du terrier convient mieux que la terre de montagne , car cette dernière est un limon qui, au lieu de donner un bon engrais , détériore le sol. Dans les mi-côtes comme dans les basses-vignes , un tiers en fumier avec deux tiers de terre, cela suffit. Les magasins doivent être faits par couches , par 4, 5 , 6 , 7 et 8 , selon la hauteur du magasin et la contenance de la vigne.

On peut ouvrir des terriers d’excellente terre sur la gauche du chemin, depuis le Mesnil jusqu’à Cuis. Au-dessous et dans tous les fonds , on trouve encore d’excellente terre qui vaut dix fois la terre de montagne, car cette dernière retarde toujours la maturité du raisin.

Il n’y a pas de doute que par le changement du sol ainsi que du plant, l’augmentation de la production , la différence de qualité sur les vins, on obtiendrait un bénéfice considérable ; d’autant plus que les raisins noirs de celte côte font un vin parfait. Il rivaliserait avec les vins de Bouzy , d’Ambonnay, de Verzenay et de Mailly. Donc il est du plus grand intérêt de suivre l’avis donné par le présent exposé, d’autant plus encore que les frais ne seraient pas considérables, et que pendant la cours de 10 à 20 années, on parviendrait à cette grande différence.


Ce qui mettrait à même les négociants, dans le canton d’Avize , d’employer un signe important semblable à ceux que ces MM. sont en usage d’employer en faveur de différentes communes qui, certainement, n’ont pas plus de mérite que le canton désigné. Le liquide que produit ce canton , mélangé avec d’autres, comme cela se fait partout, la manutention et le produit du sol, donnent une qualité supérieure. Cette faveur mécontente un grand nombre de propriétaires ; chacun d’eux désire voir maintenir ses intérêts ; au contraire ils se trouvent presque anéantis. Néanmoins la perte peut se réparer , en obtenant même un grand bénéfice pour l’avenir, si l’on suit les avis indiqués ci-dessus.

Pour parvenir à cette amélioration des vignes , il conviendrait beaucoup de se reporter au projet qui a été formé il y a environ 75 ans ( plus ou moins ), par le sieur Amand de l’Epine , syndic en son temps. Il possédait un bon jugement et le désir d’administrer à l’avantage des habitants.

Son projet a été d’établir des chemins-charrois dans toutes les contrées des vignes. Le premier a pris son embranchement au milieu de la Grande-Rue , dans celle anciennement nommée la rue de la GrosseTour , longeant les bâtiments et jardins de M. Mathieu-Gada, traversant le rempart et les Champs-Armés , les Chênes, les Nobias , les Crayères, les Robarts et les Chiquets, et aboutissant au grand chemin des voies d’Epernay.

Le deuxième est celui des Pertes, prenant son embranchement sur ledit chemin des voies d’Epernay, et aboutissant à celui de Chouilly. Il existe dans ces deux chemins des trous attestant qu’ils ont été fréquentés en voiture.

La suite du deuxième chemin devait être ouverte dans la grande sente des Broutières, peu éloignée de la contrée des Pertes. Celui prenant son embranchement sur le même chemin des voies d’Epernay, pour ainsi dire en face la croix du sieur Dévouge, traversant partie des Gros-Yeux, côtoyant les Heurte-Cannes à droite, les Crayères à gauche, les Robarts et Cartelats à droite , à gauche les Marvillannes , traversant les monts de Cramant, aboutissant au grand chemin de celte commune à celle d’Avize. Ce chemin a été ouvert dans différents endroits ; il devrait suivre jusques sur la montagne par les sentiers Levraut.

Le sieur Amand de l’Epine s’était entendu avec les habitants de la commune de Cramant, pour joindre le chemin du sentier Levraut à celui des Fromates ; de ce dernier à celui des Chiquets, pour faciliter la circulation des habitants des deux communes dans les CroixCramant, dans les Bergeries , dans les champs du Prévot et dans les chemins de Châlons.

La suite du projet était de suivre (à la hauteur des Chapelles) le chemin des Gris en tournant à droite pour joindre le chemin du bois ; et celui au-dessus des Bayennes du nord devait être aussi ouvert, pour aller aux Pierres-Vaudon.

Le sieur Amand de l’Epine, dans l’exercice de ses fonctions de syndic, a prouvé que le jugement et l’expérience augmentent avec l’âge. Il a aussi confirmé le tort de prétendre que les personnes arri-


( 10 )

vées à la veille de finir leur carrière , ne doivent plus se mêler des intérêts de la société : tant qu’un homme n’est pas dans la démence son avis peut être admis.

Malheureusement pour la commune d’Avize , le sieur Amand de l’Epine n’a pas suivi ses fonctions aussi long-temps que l’on aurait pu le désirer. Il était déjà avancé en âge lorsqu’il fut nommé syndic, et il n’a pu réaliser son projet qui était très-bon ; il méritait d’être suivi par ses successeurs.

Les administrateurs communaux étant chargés de remettre à la préfecture l’état des chemins existants sur leurs terroirs respectifs, il est présumable que MM. les administrateurs de l’année 1857 voudront bien solliciter de M. le préfet son autorisation et même son ordre, pour l’exécution du projet ci-dessus présenté.

Il en résulterait un avantage inappréciable , tant pour l’économie sur les frais de transport des engrais que sur ceux des récoltes , ainsi que l’amélioration du sol et la facilité pour chaque propriétaire possédant un cheval seulement, de se procurer un barrot dans lequel il conduirait cinq à six fois autant de charge qu’un cheval avec ses bâts et paniers. La facilité aussi de transporter , d’une contrée dans une autre, les terres de terrier ; le changement de terres d’une contrée dans une autre produirait une grande différence en récolte et en qualité.

Cette différence vaudrait les 9/10mes dans le courant de 10 à 12 années , cent pour cent ne serait pas exagéré, ce qui procurerait une grande aisance au pays.

Ce résultat aurait beaucoup de rapport avec celui qui a eu lieu dans les communes d’Ambonnay et de Bouzy, depuis 55 ans. A cette époque ces deux pays étaient au nombre des plus misérables de la Champagne ; il a été même passé en proverbe : « l’attelage d’Ambonnay, est un âne et un mulet. »

La cause de ce modique attelage était, qu’au temps de l’esclavage, les cultivateurs étaient subordonnés aux droits seigneuriaux dans ces deux communes , ces mêmes cultivateurs étaient obligés de fournir pu payer au profit du seigneur tant de boisseaux d’avoine par cheval.

Actuellement les propriétaires de ces deux communes ont de bons et d’excellents chevaux, parfaitement harnachés, ce qui prouve une grande différence d’aisance. En 1800, un nouveau propriétaire d’Ambonnay, et Bouzy, a été à même de remarquer que la misère de ces deux communes était occasionnée par le défaut de récoltes provenant de la mauvaise culture et du mauvais engrais , tant en fumier qu’en terre ; fumier sec, terre ingrate. Ce propriétaire a demandé pourquoi l’on employait cette mauvaise terre, prise au pied de la montagne ; qu’il devait s’en trouver une meilleure au-dessus. On lui a répondu que l’on ne pouvait s’en procurer, parce que la montagne était réservée pour la pâture des bestiaux, quoiqu’extrêmement éloignée des deux communes ; ce propriétaire a demandé si les propriétaires de bestiaux étaient les seuls chargés du paiement de l’impôt perçu sur la montagne ; on lui a répondu que cet impôt était réparti sur toutes les propriétés., ce qui lui a paru injuste. Alors ce nouveau propriétaire est allé visiter la montagne; il a vu que la superficie est terre de bruyère, le dessous ; terre


( 11 )

sulfureuse ; ressource qui n’est pas comparable à celle des montagnes des cinq communes ci-dessus désiguées. Il s’est permis de faire descendre de la terre de montagne de Bouzy et d’Ambonnay, dans ses vignes. Les habitants se sont fâchés , l’ont traité de fou, ont fait pis ; à chaque instant ils formaient des plaintes auprès des maires des deux communes, les priant de s’opposer à l’enlèvement de cette terre. M. le maire d’Ambonnay, possédant un jugement sain , entendait toutes ces plaintes sans y avoir égard. Il a même autorisé celui qui faisait la dépense à continuer ses travaux. Néanmoins un procès fut intenté, lequel procès a été gagné auprès du tribunal, en prouvant la nécessité de l’emploi de celte terre pour faire produire les vignes. Tous les habitants pouvaient se convaincre de cette nécessité. Après le gain du procès, les habitants reconnurent l’erreur ancienne, et suivirent l’exemple qui leur avait été donné.

Au terme de 1800, peu d’années avant le procès , on vendait les vignes 5 , 6 , 7 et 800 francs l’arpent ; les terres labourables en proportion. Actuellement le prix des vignes est de 8, 9 et 10,000 francs , celui des terres est de 12, 15 et 1,800 francs.

Dans toutes les contrées des vignes, à droite et à gauche, il y a des chemins-charrois en bon état ; lesquels se rejoignent à la montagne : les sentes communes sont en ligne directe, unies dans toutes leur longueur, et garnies de pierres de défense d’un côté et de l’autre et à distance l’une de l’autre.

Un ordre de cette nature , étant établi dans un vignoble , peut être suivi dans les autres.

Les propriétaires de vaches les gardent à l’étable. Ils y trouvent du bénéfice ; ce qui leur a été prédit par celui qu’ils ont tourmenté , leur donnant de bons avis. Actuellement le témoignage de reconnaissance n’est pas oublié à l’occasion ; chose rare à rencontrer dans le siècle où nous vivons. La terre de bruyère est supérieure à toute autre espèce. On peut l’employer, n’importe sur quelle plante , peur exciter la végétation ; elle ne détériore la qualité d’aucun fruit ; au contraire , elle produit un grand effet, particulièrement sur les vignes, ce qui est prouvé par la qualité du vin provenant de la Contrée des Bruyères de Mailly. Cette contrée est au nombre de celles qui donnent de la renommée à Sillery. Le vin proprement dit Sillery est erreur. Ce pays n’est pas vignoble ; ce sont les coteaux d’au-dessus qui lui donnent sa renommée honorable. Cependant ces coteaux sont plus au levant et au nord qu’au midi, ce qui fait croire que la qualité est produite plus par la valeur du terrain que par l’aspect. La terre sulfureuse est celle qui, depuis que les cultivateurs en ont la connaissance , a multiplié les prairies artificielles dont le produit est extrêmement avantageux par la production des fourrages et l’amélioration des terres labourables. Cette terre sulfureuse produit aussi de grands effets sur les dravières et lentilles : ce qui augmente beaucoup la quantité des produits. Ce sont ces produits artificiels qui mettent à même le cultivateur d’élever beaucoup de bestiaux et de faire des fumages.

La e renommée des vins de Sillery a été produite par un haut et

puissant se neur de son temps. Il a fait établir dans l’enceinte de son

château plus urs pressoirs, des celliers très-vastes où il faisait arriver


( 12 )

des vendanges d’achat, non compris celles de sa pièce de vigne , contenant 25 arpents , située au midi, au milieu de quatre chemins-charrois , et ce, entre d’autres propriétés dépendantes des communes de Sillery et Verzenay, ainsi que de celle de Mailly.

A la vente de ces vins , les tonneaux étaient décorés des armoiries du seigneur et de deux cordons bleus, ce qui donnait un grand relief. Au printemps, les vins, non vendus, étaient conduits dans les caves de Verzenay pour y être mis en bouteilles ; l’exposant a la certitude de ce qu’il avance , par les achats de ces sortes de vins , faits par lui-même.

A la division de la grande et belle propriété du château , la pièce de vigne a été vendue à M. Legrand-Delassalle , demeurant à Reims.

La décoration sur les tonneaux était un luxe comparable à celui que l’on emploie actuellement en plaçant des étiquettes sur les bouteilles d’expédition, ce qui donne aussi un grand relief.

Le luxe, quoique souvent critiqué, a quelquefois son utilité : la preuve en est convaincante.

En résumé, le contenu des observations ci-dessus, étant soumis à l’examen des personnes éclairées , peut-être en résultera-il de meilleures idées restées dans le néant, n’étant pas venues dans la pensée ? Les hommes sensés, discutant avec de bonnes intentions , peuvent découvrir des moyens qu’il serait avantageux d’employer. Celui qui s’est permis de dicter le présent exposé est très-âgé, et croit être dispensé de décliner son nom. Il conserve le désir d’aider, par ses renseignements, au bonheur de la société , particulièrement à celui des habitants du canton dans lequel il est né.

L’exposant ajoute à son avis différentes autres observations qu’il soumet au jugement des propriétaires de vignes, en les invitant à ne pas en augmenter la quantité , à l’exception cependant des plantations qui seraient faites sur les terrains élevés, ayant une pente convenable.

Il se permet de dire qu’il existe trop de vignes en France , particulièrement dans le canton d’Avize , où l’en éprouve beaucoup de difficultés pour les faire valoir; le vingtième en moins ne ferait pas de tort, au contraire : ce qui aiderait à les entretenir mieux qu’elles ne le sont. La bonne tenue les mettrait dans le cas d’excéder en recolte, au-delà de la différence, et diminuerait les frais de culture.

Le trop de vignes est dans les contrées les plus éloignées des communes , nommées vulgairement Basses-Vignes : elles occasionnent aux ouvriers, perte de temps pour aller à leurs travaux, de même pour conduire l’engrais. Elles sont exposées à la gelée et aux insectes de toutes les espèces. Souvent on est obligé de faire de gros sacrifices pour les réparer ; de sorte que les frais et le manque de récolte absorbent même plus que le produit.

Les terrains qu’on peut comparer à ceux sur lesquels ces vignes existent , produiraient, en y portant un léger fumage, grains et fourrages.

On sait que pour planter une vigne et la mettre en état de production , elle coûte énormément cher , pour l’achat du plant, la manuten-


( 13 )

tion , les travaux pendant 4 et 5 ans sans avoir de récolte , les magasins , les provins , les échalas et l’impôt beaucoup plus élevé que celui des terres labourables. Tous ces frais réunis montent à une haute valeur. Si cette valeur était convertie en engrais , répandus sur la surface de deux ou trois quantités de terrains semblables , ils viendraient en nature de jardin ; et non-seulement ils seraient en état de produite grains et fourrages, mais ils pourraient produire abondamment pomme de terre et autres légumes , ce qui serait d’une grande ressource pour la société , car la pomme de terre particulièrement se sert sur toutes les tables et est la principale nourriture d’une infinité de ménages.

Le propriétaire qui récolterait ces sortes de productions abondamment , serait à même de nourrir et engraisser porcs , vaches et volaille. Il aurait la certitude d’avoir un morceau à mettre dans son pot. La vache lui produirait lait et beurre pour l’usage de sa maison ; il pourrait même en vendre. Cette vache étant engraissée, lui ayant fait du fumier, il aurait à choisir de la garder ou de la vendre au boucher.

Ces moyens étant employés, la classe vigneronne se trouverait dans une toute autre aisance que celle dans laquelle elle se trouve. L’aisance rejaillirait à l’avantage de la classe qui n’a aucune propriété.

Probablement la multiplicité des motifs feront remarquer la nécessité d’avoir égard à ce qui est observé.

Commune d’avize, 8 avril 1837.

SUITE des observations dans l’intérêt public, soumises aux autorités, concernant la route ci-devant nommée les CinqChemins , actuellement route départementale ; concernant aussi le chemin de communication de Reims à Troyes dont la demande a été réitérée en 1887 pour passer par Epernay, Pierry, La Loge-sous-Monthelon , Cuis, Cramant, Avize , Oger, Le Mesnil.

Cette dernière commune aboutit à la dite route départementale.

Ces huit communes forment un rayon vignoble le plus important du département de la Marne , tant par le rapprochement de l’une à l’autre que par la population qu’elles contiennent et par le commerce que les habitants font entre eux, ainsi que dans toutes les puissances.

Le renouvellement de la demande est fait par une pétition signée de MM. les administrateurs et principaux habitants des communes d’Avize, Cramant, Cuis , Monthelon, Pierry et Fèrechampenoise. Cette pétition est apostillée favorablement de M. le sous-préfet de Reims , de M. le sous-préfet d’Epernay , de M. le maire de cette dernière ville et de M. le maire de la commune d’Avize , membre du conseil-général du département. Elle est approuvée par le conseil d’arrondissement, à l’exception d’un faible changement qui n’est point du tout désavantageux. Cette même pétition a été présentée au conseil général du département avec l’espoir d’obtenir l’approbation ; l’espoir était d’autant plus fondé qu’on comptait sur l’appui de M. le maire d’Avize.


( 14 )

Cette pétition demeure sous silence, chose surprenante ; il est probable que ce silence est occasionné par l’établissement de la route départementale , dite les Cinq-Chemins, quoique beaucoup plus préjudiciable qu’avantageuse pour le rayon désigné.

Les sollicitations pour cette route ont été faites par un petit nombre de propriétaires de la ville d’Avize, propriétaires dans le moyen-âge j dont la plus forte partie sont de nouveaux habitants , qui ne connaissent pas les localités , ni le sol, ni les ressources. Ils ont fondé leurs sollicitations sur le tracé de cette malheureuse route des Cinq-Chemins, fait par les Romains, pour le passage de leurs troupes, et non pour faciliter la circulation de la population et le transport des produits de commune à autre. Elle était d’abord trop étroite, éloignée autant que possible des communes ; généralement elles sont abandonnées.

Celle-ci était dirigée de Troyes à Reims , à travers la Champagne, dans les contrées les plus désertes , laissant à sa droite Arcis-sur-Aube ; à gauche, Fèrechampenoise, Bergères, Vertus , Le Mesnil, Oger, Avize, Cramant, Epernay et Ay. Sur ce trajet elle laissait aussi à sa droite , Trécon , Voipreux, Oiry et Mareuil.

La traversée de la prairie et de la Marne était entre lesdites communes de Oiry et Mareuil, comme de Chouilly et Ay. La suite était dirigée dans la gorge entre Avenay et Mutigny, traversant la forêt i ensuite la plaine en direction sur Reims pour y arriver par la porte Fléchambault.

Anciennement le peuple Gaulois n’avait aucun pouvoir, son énergie était absorbée par l’esclavage , particulièrement en Champagne. Il était même passé en proverbe : quatre-vingt-dix-neuf moulons et un Champenois font cent bêtes . Cette province ne méritait pas plus cette expression insolente que toute autre province. On ne peut disconvenir que la Champagne a fourni des hommes marquans avant et après 89, peut-être en plus grand nombre que partout ailleurs.

Il y a 75 ans environ , les Français étaient encore dans l’inaction et ne prévoyaient pas les avantages dont ils pouvaient jouir. A cette époque on commença à établir la 2me route de Châlons à Paris. Le 1er plan était de passer par Vertus. Les habitants, craignant le logement des troupes, firent en sorte de faire changer ce plan, ce qui ne les a pas dispensés des charges d’une grande route dont ils sont privés , ainsi que de ses avantages. Ayant reconnu leurs torts , ils ont demandé le rapprochement de la route des Cinq-Chemins dont ils étaient éloignés de 5/4 de lieue au moins , espérant multiplier et faciliter leurs

I Ce propos provient de ce que, dans le temps des Gaulois, en Champagne , lus propriétaires n’avaient pas le droit de nourrir un troupeau de là contenance au-dessus de 99 moutons ; le nombre excédant était exposé à un impôt élevé, par les seigneurs qui, employant leur autorité sur tout, se conservaient le parcours pour faire paître leurs troupeaux aussi nombreux qu’ils avaient le moyen de le posséder ; celte autorité entretenait la pauvreté chez les cultivateurs, et entravait le commerce Un jour un inspecteur passsant près d’un berger, lui demanda de combien son troupeau était composé, ce berger répondit lentement et avec crainte qu’il était composé de 99 moutons. Sur ce, l’Inspecteur répondit avec impatience : 99 moutons et un berger champenois font cent bêles. Voici l’origine de ce propos insolent et ridicule.


( 15 ) relations avec Fèrechampenoise. Leur demande ayant été accordée , il y a 60 ans, ils se sont entendus avec la commune de Bergères, où passe la route nouvelle, pour établir un grand chemin , lequel passe au bas de Vertus , et a été continué jusqu’au bas du Mesnil. Arrivé à ce point, l’ingénieur a commis une grande faute , en inclinant à droite la suite de ce grand chemin, pour rejoindre la route dite les CinqChemins , et suivre une plaine déserte de Vertus à Chouilly, au lieu d’avoir suivi de commune à autre, au milieu desquelles le trajet est depuis le Mésnil jusqu’à Epernay , le même que du Mesnil à Chouilly. Une preuve que ce rayon peut être considéré comme une grande ville , c’est que le Mesnil et Oger, canton d’Avize, contiennent une population excédant celle de Vertus ; le commerce de ces deux communes tant en France qu’à l’étranger est deux ou trois fois comme celui de Vertus. Avize, chef-lieu de canton, contient une population comparable à celle de Vertus ; son commerce et sa correspondance sont, sans exagérer , 10 à 12 fois comme celui de Vertus. Cramant, Cuis, Grauves et Mancy, même canton , contiennent une population plus nombreuse que celle de Vertus. Ces quatre communes sont continuellement en relation avec Avize pour les affaires commerciales, pour le tribunal de paix, pour les notaires, pour le bureau d’enregistrement, et pour les. marchés et foires ; le sol et le produit des vignes de Cramant ont une grande supériorité sur Vertus. Monthelon , Chavot et Pierry contiennent aussi une population comparable à celle de Vertus ; le cru de Monthelon est préférable à celui de Vertus , et Pierry fait un commerce de cinq à six fois au-dessus de Vertus. Au total la population de ce rayon est 4 ou 5 fois comme celle de Vertus , le commerce et la correspondance sont de 18 à 20 fois. Il était donc de toute justice d’accorder la même faveur qu’à Vertus. Les auteurs de la route départementale, au nombre de 10 à 12, pour jouir d’un faible avantage , ont sacrifié les intérêts de 15 à 20,000 personnes , non compris ceux des voyageurs étrangers, qui, sur leur passage verseraient beaucoup de fonds. Celte énorme erreur aurait pu être évitée, si ces MM. s’étaient donné la peine de porter leur attention sur l’importance des pétitions.

Le désir de contribuer à quelque avantage en faveur de la société , m’a excité de prendre la liberté de faire parvenir plusieurs adresses au Roi, concernant l’intérêt du peuple et celui du Gouvernement. Il paraît que mes observations ont été prises en considération suivant les différents accusés de réception dont je suis honoré du cabinet de Sa Majesté ; ce qui m’a engagé à rappeler au souvenir de MM. les administrateurs , et autres non compris ce qui vient d’être dit, des moyens paraissant convenables à employer à l’avantage du pays. Ces moyens sont :

Sur l’établissement d’une prairie , laquelle devrait êire établie depuis un grand nombre d’années ;

Sur la culture des terres labourables ainsi que sur celle des vignes, pour augmenter la valeur du sol et le produit ;

Sur le commerce que j’ai vu commencer dans là commune où je suis né , auquel commerce je me permets de dire avoir aidé à donner l’élan ;


( 16 )

Sur les chemins, petits comme grands, pour faciliter la circulation de la population, le transport des engrais et celui des récoltes ;

Sur la possibilité de faciliter aussi les entrées et sorties de la ville d’Avize ;

Sur la forme et l’étendue à donner à différentes fosses communales pour augmenter le volume d’eau à l’avantage du voisinage et la quantité de boue au bénéfice des habitants ;

Sur les barrières et plantations dans les remparts.

Le tout aurait pu se faire successivement sans être à la charge des habitants, ni dispendieux comparativement à l’utilité et à l’agrément.

L’importance de la dépense à supporter est indiquée dans plusieurs exposés. Malheureusement l’intérêt particulier , l’indifférence pour le bien général et l’égoïsme sont cause que tous ces moyens sont restés dans le carton aux oublis et couverts d’ingratitude. Cependant partie de ces moyens ont été employés dans d’autres communes où j’ai eu à faire valoir des propriétés. Le résultat en est devenu extrêmement avantageux , suivi de témoignages de reconnaissance.

La considération , l’ingratitude et la reconnaissance forment un contraste mystérieux qui a beaucoup de rapports avec l’ancien proverbe : « Un saint n’est pas honoré sur son lieu. »

Ce contraste m’a inspiré l’intention d’enfermer mes mémoires dans ma tombe. J’en ai fait la confidence à une personne méritant toute confiance. Cette personne a eu la bonté de m’inviter à ne pas mettre mon intention à exécution , en m’observant que mes mémoires étant conservés pourraient plus tard fournir des renseignements auxquels on aurait peut-être des égards. Sur ce , je l’ai priée de vouloir bien se charger du dépôt et d’en donner connaissance quand elle le croirait à propos , pensant qu’à la suite d’un changement d’administration , MM. les administrateurs successeurs verront différemment que ceux d’à-présent.

Je me permets une répétition avec l’intention de dire des vérités sans avoir celle de formaliser qui que ce soit. Chacun dans son opinion croit avoir raison , c’est un tort : les hommes ne sont pas parfaits à beaucoup près ; peu sont sans défauts , je conviens avoir les miens. Malgré les contrariétés que j’ai éprouvées , je prends la liberté de répéter que si ces Messieurs s’étaient donné la peine de porter leur attention et de réfléchir sur les observations , ils auraient pu se convaincre de la nécessité de faire passer la route départementale dans les communes formant le vignoble le plus important du département, au lieu de l’avoir éloignée.

Ces Messieurs cependant ont su faire élargir le rempart du midi d’Avize en obligeant les propriétaires des vignes aboutissant, à retrancher leurs vignes, prétendant qu’elles avaient anticipé ; c’est une erreur, les anticipations ont eu lieu du côté opposé ; ces sortes d’anticipations sont converties en bâtiments, cours et jardins.

Sur le chemin d’Avize à Flavigny , jusqu’à la route seulement, il y a dés démarcations établies sur les vignes comme sur les terres labourables , à l’intention d’élargir le chemin ; il en a été de même pour la route pardes anticipations d’un côté et de l’autre, depuis Vertus jusques près d’Oiry, au total 4 lieues de trajet y compris le chemin qui vient d’être indiqué et le rempart. Les oppositions au passage de la route


( 17 )

dans les communes , ont été discutées sur la nécessité d’élargir de 2 à 3 pieds, plus ou moins , tant à droite qu’à gauche , entre Le Mesnil et Oger, entre Oger et Avize, entre Avize et Cramant, entre Cramant et Cuis : trajet de 2 lieues 1/4 , pour ainsi dire couvert d’habitations. Ce trajet est préférable sans contredit à l’autre trajet désert de 4 lieues; ce qui, probablement, n’a pas été prévu faute d’égards au mérite des observations soumises en différentes circonstances convenables.

Si les administrateurs ont le droit, ce qui doit être sans le moindre doute, de faire des anticipations à leur convenance, il est probable, qu’ils ont aussi celui d’en faire autant pour l’utilité des administrés, ce qui cependant n’a pas eu lieu.

Des discussions ont aussi été agitées sur le transport des bouteilles venant des environs de Sainte-Ménehould, lesquelles arriveront toujours , dans la belle saison , par Plivot, Athis et Jâlons, comme se font les voyages pour Châlons. Dans les mauvais temps elles pourraient arriver par Bergères et Vertus, ce qui ferait une différence sur le trajet d’une lieue au plus pour Avize seulement, cette différence ne pouvant avoir lieu pour Bergères, pour Vertus, ni pour le Mesnil. Quant aux bouteilles venant de la Picardie, les voituriers ont à supporter par voyage 1 lieue 1/4 en plus que par Pierry, et ce , dans tous les temps. Il est présumable que ces MM. sont autorisés à trancher où ils le jugent convenable, pour arriver à leur but. Pourquoi donc ne pas avoir fait valoir leurs droits sur le chemin convenable au pays et aux étrangers ? La direction de la route sur Oiry, Mareuil et Avenay est extrêmement préjudiciable au rayon le plus important, et d’une faible ressource pour ces trois communes, étant l’une et l’autre situées sur des grands chemins, Oiry, tient à la route de Châlons à Epernay pour Paris : Mareuil et Avenay sont traversés par celle d’Ay à Louvois pour Reims et pour Châlons. Le préjudice probablement n’a pas été prévu, ces trois communes ayant double avantage ; celles du Mesnil, Vertus, Bergères et Fèrechampenoise aussi favorisées de ces avantages , ces sept communes sont à même d’établir des maisons de commerce en aussi grand nombre que l’on puisse imaginer. Elles ombrageront celles d’Avize d’un nuage extrêmement obscur ; l’obscurité rejaillira sur Pierry, sur Epernay et autres communes environnantes. Les habitants d’Avize après avoir marché à pas de géant, dépensé beaucoup d’argent, pour se procurer des connaissances, construire des celliers et des caves , établir des ateliers d’ouvriers, sont exposés à rétrograder, à tomber dans la position misérable, comparable à celle où leurs prédécesseurs se sont trouvés il y a 57 ans et précédemment; époque à laquelle j’ai commencé mon élan sur la culture et sur le commerce ; les deux principales parties à exploiter dans le pays.

Les premiers placements de vins en bouteilles de ces endroits, tant en France qu’à l’étranger, par des voyageurs que j’ai mis en campagne , ayant paru avoir un résultat avantageux, d’autres ont suivi le chemin que je leur ai tracé , l’ont suivi avec beaucoup plus de facilité que je ne pouvais en avoir, par la raison que généralement on était pauvre et les hommes peu instruits., particulièrement dans le commerce; malheureusement pour moi j’étais du nombre.


La beauté de la roule ainsi que le peu de temps employé à son établissement ; cela n’est pas surprenant, étant faite en partie aux dépens des communes qu’elle devait traverser, et sous l’inspection de MM. les auteurs , elle pourrait être aussi belle , beaucoup plus utile , et moins dispendieuse, si elle était dans la direction indiquée, il y a un grand nombre d’années approuvée. Payer et se voir privé des avantages dus à juste titre, c’est pénible à supporter.

Le changement de direction fait naître de nouvelles observations , appuyées de quelques répétitions paraissant convenables pour convaincre les personnes incrédules sur le préjudice et le ridicule occasionnés par la privation du passage demandé , approuvé , en 1824, à la préfecture et aussi à la sous-préfecture , par M. de Pleurre et M. de Drionville son successeur ; ridicule en ce que la ville d’Avize, privée des avantages accordés à Vertus et à Epernay, se trouve située’ entre ces deux villes, dont la distance n’est que de quatre lieues , occupée par ces trois villes , non compris sept autres communes , ensemble dix d’une haute impotance, par le rapprochement de l’une à l’autre et par leur contenance d’habitants actifs et commerçants ; d’autant plus ridicule qu’Avize a la supériorité sur Vertus par différents accessoires : d’abord, la circulation du courrier portant la correspondance qui lui est confiée tous les jours, dans la matinée, à la direction d’Epernay, pour celle d’Avize et pour le bureau de distribution à Vertus ; à midi, le même courrier est chargé des dépêches du bureau de Vertus pour la direction d’Avize et pour celle d’Epernay. Comme il est dit, dans différentes occasions, le commerce d’Avize excède celui de Vertus de dix à douze fois ; ce commerce est aidé par une maison de commission employée au dépôt et au transport des marchandises. Dans cette même commune, il y a un collège, un pensionnat de demoiselles , et un pharmacien instruit, tenant une pharmacie aussi bien fournie et suivie que celle d’une grande ville. On ne peut pas disconvenir que ces accessoires n’offrent des ressources au canton, et que le chef-lieu ne mérite considération.

L’ancien plan a été fait dans les vues de faciliter la circulation des personnes et le transport des denrées du nord au midi, de même du midi au nord ; de faciliter aussi la circulation des voitures publiques, lesquelles pourraient porter la correspondance, lors même qu’elles contiendraient dix , douze ou quinze personnes , et seraient régulièrement au complet. Le conducteur de la voiture venant du midi, pourrait apporter la correspondance en passant à Fèrechampenoise, prendre celle d’une partie du levant, venant par Strasbourg, ce qui favoriserait la direction de poste d’Avize, particulièrement de deux courriers dans la matinée ; elle serait aussi favorisée de la correspondance du nord dans la soirée.

Les communes de Fèrechampenoise, de Vertus, du Mesnil, d’Avize et d’Epernay ont de fréquents rapports entre elles , en ont aussi beaucoup avec Reims. Les lettres partant par la voiture du matin, pour ces deux dernières villes, la réponse pourrait arriver par celle du soir. Ce serait un avantage inappréciable, et la privation occasionnerait un préjudice incalculable. Un extrême ridicule est que la route , traversant Vertus, cotoyant le bas du Mesnil, passe à une demi-lieue du centre


( 19 ) d’Avize , lieu qui, sous tous les rapports imaginables, devrait être traversé par celte roule , de préférence à une route déserte sur un trajet de quatre lieues, sans rencontrer une seule habitation , et le même trajet est occupé par les dix communes désignées. Actuellement, les habitants sont obligés de supporter les frais et le sacrifice de différentes portions de vignes et de terres labourables, pour mettre en bon état le chemin de communication de la ville à la route. Ce désagrément n’a lieu dans aucun pays de la France , les routes devant être dirigées sur les chefslieux de canton, sur ceux d’arrondissement, et particulièrement de ville à autre .

Ce sacrifice est en faveur de dix à douze propriétaires ou forains de la ville et au détriment de 12 à 15,000 habitants occupant le rayon.

Ces mêmes habitants d’Avize , tous ensemble, circulent dans les rues les plus mauvaises qu’il puisse y avoir, encombrées de boue, de fumier, le long des murailles, le milieu en forme de fossé ; ils circulent aussi sur une place du marché, quoique d’une belle forme, d’où l’on ne peut s’arracher, surtout en hiver. Cependant, en employant six hommes, en trois séances, avec chacun une pelle, à la suite de trois marchés, par un temps de dégel, les boues se trouveraient relevées, la place nettoyée ; le terrain étant solide, il resterait à faire l’enlèvement des amas de terre. Lorsqu’il est question de ces petits travaux, différentes personnes disent : « La commune n’a pas le moyen de faire celle dépense. » Ces réponses sont non valables. On sait employer les fonds pour d’autres travaux moins utiles. Au reste , la prestation en nature existe ; par conséquent, il n’y a pas besoin de débourser d’argent. Cette place d’une belle forme, comme il vient d’être dit, n’a ni arrivée ni sortie faciles ; néanmoins, depuis soixante ans, il s’est trouvé quatre occasions favorables pour ouvrir une rue qui aurait pu communiquer de la place à la grande rue, ce qui ferait une opération agréable pour le pays. Ces quatre occasions sont manquées , faute de prévoyance ; la quatrième s’est présentée en 1857 et en 1858, et elle est enfin manquée pour toujours.

Les chemins environnant la ville d’Avize sont tous impraticables pour

Les mêmes habitants sont privés des avantages qui peuvent être produits par les grandes roules. Ils sont exposés aux charges pénibles occasionnées par les passages militaires, comme le sont les communes de Villers-Marmery , Verzy , Verzenay et Mailly ; quatre communes beaucoup plus éloignées de la route de Châlons à Reims que ne le sont celles dont les terroirs sont traversés par la malheureuse roule des Cinq-Chemins , dans la longue plaine déserte de Vertus, du Mesnil, d’Oger, de Chouilly et Oiry.

Ces mêmes habitants, partant d’Avize, se mettent en campagne pour aller , soit du côté du nord, soit du côté du midi : par cette route, lorsqu’ils y arrivent , ils ne sont pas plus avancés que s’ils étaient restés chez eux ; allant du côté du nord, ils devraient être arrivés a Cramant, les deux trajets étant de longueur égale. Du côté du midi, ils pourraient être arrivés près du Mesnil ; de cette commune à celle d’Avize, la distance, en passant par Oger, n’est que de 3/4 de lieue, et par la route elle est d’une lieue 1/4. A part cette différence, du Mesnil à Oger, d’Oger à Avize, d’Avize à Cramant, de Cramant à Cuis, le chemin est détestable. Il pourrait cependant être mis en bon état, traversant les communes désignées et situées au bas de la montagne. Ceci a été observé dans différentes occasions, ainsi que beaucoup d’autres articles auxquels on n’a pas fait droit.


( 20 ) aller d’une commune à une autre ; néanmoins elles ont toutes ensemble de fréquents rapports , ce qui est dit précédemment.

Le titre de ville donné à Avize, parait être une plaisanterie faite contre les habitants. On ne peut pourtant pas se permettre de dire qu’il y a eu intention de nuire, cela n’est pas présumable ; mais défaut de ne pas avoir prévu le résultat des entreprises ; défaut aussi de manque d’égards aux observations soumises par une inimité, de pétitionnaires méritant considération, au nombre desquels sont des personnes très-âgées. Malheureusement ce qu’elles peuvent dire est souvent rejeté , en les regardant comme des radoteurs.

L’exposant, très-âgé lui-même, quoiqu’il n’ait pas obtenu de succès sur toutes les observations qu’il s’est permis de soumettre, croit ne pas devoir se dispenser, dans l’intérêt du pays , de faire savoir qu’une mine de charbon de terre existe sous la montagne d’Avize, suivant la connaissance qu’il en a eue par un directeur des fosses en Flandre.

En 1785 , étant en voyage pour son commerce, il a cherché à prendre des connaissances sur l’exploitation du charbon de terre. Il s’est arrêté à Valenciennes, pour examiner la fosse exploitée alors par MM. Mathieu frères. Cette fosse a 900 pieds de profondeur ; elle lui a paru extrêmement intéressante. De Valenciennes , il est allé à Mons. Le hasard lui a procuré l’agrément de se trouver en société chez deux princesses, où était un prince qui lui avait procuré la connaissance de ces deux daines, La conversation s’est engagée sur l’exploitation du charbon de terre. Le voyageur, persuadé qu’il en existe en Champagne, a fait ses observations. Il a été invité par la société à les accompagner pour aller visiter leur fosse, et faire connaissance avec le directeur. Cette fosse a 600 pieds de profondeur ; elle se comme Le Produit. Elle a, comme les autres fosses , trois bouches ; une pour descendre et monter les ouvriers , une pour puiser l’eau par le moyen d’une pompe à feu , la troisième pour monter le charbon. L’entreprise a coûté 500,000 fr., avant d’arriver au premier seau de production. La dépense parut extrêmement forte aux yeux du voyageur; le directeur ayant dit qu’il connaissait la Champagne , que cette dépense ne devait pas effrayer le voyageur , par la raison que, suivant lui, l’exploitation à Avize ne serait pas dispendieuse ; son avis était d’attaquer la montagne en haut de la ville par un souterrain , en le continuant jusque sous le petit bois ( ce petit bois est le clos), ce qui prouve que le pays était connu par le directeur. Suivant lui encore, on obtiendrait l’écoulement des eaux par ce souterrain , qui pourrait être dans le ravin , ce qui dispenserait de la pompe à feu , ainsi que des deux autres bouches. Il a engagé le voyageur de faire en sorte de former une société d’actionnaires et de lui faire connaître le montant des actions, qu’ensuite il se rendrait sur les lieux pour commencer les travaux. A l’époque de 85 il n’y avait pas de ressources comme actuellement ; peu de personnes étaient disposées à faire des avances de fonds. Un moyen à employer pour ne pas faire de gros sacrifices, dans l’incertitude de réussir ou non, c’est qu’on pourrait peut-être, dans un temps de paix comme celui existant, obtenir une compagnie de soldats mineurs, auxquels on ferait une haute-paie : les frais ne seraient pas comparables à ceux d’employer d’autres ouvriers.


( 21 )

Si le résultat devenait favorable, il mettrait à même d’établir des ver-* reries. Celles de Sainte-Ménehould font arriver la terre grasse de Troyes et le sable des montagnes environnant Epernay. On emploie des cendres lessivées. Des verreries se trouveraient à même de faire des amas de ces trois ingrédients avec plus de facilité que partout ailleurs , les communes étant fortes et rapprochées l’une de l’autre. Sur ce, les personnes instruites sont invitées à y réfléchir.

Le même vieillard ayant entendu dire, dans le courant d’octobre 1837, que les insectes répandus dans les vignes occasionnaient un grand dommage , a invité plusieurs propriétaires de prier M. le Préfet de défendre la relevée des échalas avant le 1er février ; en sorte que, s’il venait un hiver rigoureux comme celui qui vient de finir, le givre et la gelée pussent détruire une grande partie de ces animaux. Il a même fait le voyagé de Châlons pour instruire la Société d’agriculture de ce malheureux événement. Le lendemain, un’ de MM. les membres s’est donné la peine de venir ; étant convaincu du dommage, il à observé qu’il conviendrait, à la suite des vendanges, de faire des feux dans les vignes et de parser les échalas à fa flamme. D’autres ont aussi proposé de faire des bassins, de les emplir d’un liquide de chaux, et d’y baigner les échalas. Ces deux moyens ont parti trop minutieux, de sorte qu’aucun n’a été employé ; le premier n’exigeait aucune dépense. L’indifférence pour l’intérêt public est quelquefois cause de grands maux. Ce malheur et un plus grand encore à eu lieu dans les années 67, 68, 69, 70 et 71 ; privation de récolte pendant ce terme, à l’exception, cependant, que les plus grandes n’ ont pas excédé 60 bouteilles de vin par arpent, ce qui a réduit les Vignerons à la misère , dont ils se sont ressentis pendant un demi-siècle. Les vignobles du canton de Vertus et celui d’Avize, excepté Monthelon, se sont trouvés dans cette malheureuse position.

En 1770, deux ou trois propriétaires , ayant plus d’intelligence et de prévoyance que d’autres, ont semé du chanvre dans leurs vignes, en petites parties (un, deux ou trois grains), en proportion de l’étendue des places vagues , dans lesquelles on plante ordinairement des légumes. En 1771, tous les plus gras propriétaires ont été stimulés par l’essai, au point que toute la côte présentait le tableau d’une chenevière. Les insectes ont disparu, les vignes se sont rétablies, et, en 1772, on a fait une bonne récolte. Différentes personnes diront peut-être que ces insectes étaient probablement à la fin de leur terme, c’est possible ; mais il est connu que dans les chenevières et les terrains avoisinants , il n’en existe point ; il est connu aussi que si le chanvre, venant d’être arraché , était déposé dans les rivières, il détruirait le poisson. Cet avis a été donné dernièrement à la Société d’agriculture, en invitant de prier M. le Préfet d’en ordonner l’emploi.

Un autre moyen peu dispendieux, comparativement au résultat qu’il pourrait produire, serait de planter des piquets dans les vignes, piquets à têtes plates , d’une largeur convenable à pouvoir poser un lampion à hauteur de trois ou quatre pouces au-dessus des échalas, pour que la lumière fut aperçue de loin , et on allumerait les lampions au moment du coucher du soleil, par un temps calme, ce qui attirerait les papillons et en détruirait la plus grande partie. Le nombre des piquets pourrait être


( 22 )

de trois par arpent de vigne, un dans une pièce d’un quart ou d’un tiers d’arpent. Après avoir employé ce moyen dans une contrée, on pourrait’, le lendemain, l’employer dans une autre. Cette mesure, répétée deux années de suite, à la naissance des papillons, ces sortes d’insectes n’auraient pas le temps de déposer leur couvain.

Le chanvre devrait être planté dans les vignes, du 10 au 20 avril, pour en obtenir l’odeur au moment de la naissance de ces malheureux insectes.

Dans les premiers jours de décembre 1857, le même vieillard a eu occasion de converser avec un de MM. les administrateurs d’Avize, où il demeure depuis un petit nombres d’années. Ce monsieur n’étant pas au courant des environs, a prétendu et soutenu que la route des CinqChemins, par Avenay et Louvois, est plus courte et plus directe pour Reims que celle par Epernay ; c’est encore une autre erreur, en voici la preuve : D’Avize à Epernay, par Cramant et le bas de Cuis , où devrait passer la route, la distance est de deux lieues ; d’Epernay à Reims, elle a toujours été comptée pour cinq, en somme sept ; en partant aussi du départ d’Avize parla route des Cinq-Chemins, par le chemin deFlavigny, l’autre distance est de trois lieues et demie pour Avenay, autrefois elle était de deux lieues trois quarts ; de celte commune à celle de Louvois, une lieue et demie, et de Louvois à Reims, quatre mortelles lieues, ensemble neuf, au lieu de sept. Preuve aussi sur la différence de direction, en fixant le départ d’Avize par la route demandée, dont le passage serait dans la rue ou est placée la boîte aux lettres. Cette rue aboutit à la grande dans son plus large, où elle fait coude à gauche. Ensuite en face de l’église, rue de la Fontaine , coude à droite ; cette seconde rue devrait être continuée en direction sur le chemin de Cramant, si on avait porté attention sur le mérite de l’exposé soumis en avril 1836 , indiquant différents moyens convenables à employer pour embellir la ville d’Avize, moyens d’une faible dépense, en comparaison de la nécessité et de l’agrément qui serait procuré par chaque établissement. A moitié chemin d’Avize à Cramant, il existe un monticule nommé Mont-de-Cramant, peu dispendieux à diminuer, comparativement à l’utilité qui est observée dans différentes circonstances. Dans la commune de Cramant, coude à gauche auprès de la fontaine, ensuite coude à droite pour suivre la route parle bas de Cuis. A la hauteur de la montagne de Champillon, coude à gauche pour suivre à travers la forêt, presque à l’extrémité au-dessus du Petit Fleury, où le grand chemin passait autrefois pour Reims ; il a été supprimé pour éviter la descente d’une montagne extrêmement rapide. C’est à la suite de la suppression qu’existe le coude à droite pour aller à la direction de Montchenot , et à cette dernière commune coude à gauche pour Reims.

Ensemble sept coudes.

A partir de la même commune d’Avize pour aller à Reims par Mareuil , Avenay et Louvois, un premier coude est en sortant de ladite

Ce changement a été obtenu par M. l’abbé de Ségur, ou son prédécesseur, propriétaire du ci-devant château de Montchenot. M. l’abbé de Ségur, grand— vicaire à la cathédrale de Reims, a fait partie des victimes de la révolution de 89, ayant été massacré dans ladite ville.


( 25 ) commune d’Avize, à droite, pour suivre l’embranchement nommé le chemin de Flavigny. Arrivé à la route des Cinq-Chemins, coude à gauche , pour suivre en direction sur Mareuil. Arrivé à cette commune, coude à gauche, pour suivre la rue principale; à peu de distance, coude à droite, pour suivre la roule par Avenay. En sortant de ladite commune dé Mareuil la montagne est trois fois plus longue, et dix fois plus rapide que ne pourrait être le mont de Cramant. Entre Mareuil et Avenay, coude à droite et à gauche; au milieu de la rue principale de cette commune, coude à droite, extrêmement étroit, impraticable pour les voituriers, conduisant des attelages nombreux et de grandes voitures. A la sortie d’Avenay pour Louvois , une montagne de 1/4 de lieue de long , et à l’extrémité de cette montagne , la descente, au-dessus de Mutry et de Fontaine, est comparable à celle d’une cave. Près de Tauxières, la roule fait fourche ; une branche est dirigée sur Bouzy, l’autre branche, coude à gauche , pour aller à la hauteur de Tauxières ; ensuite , coude à droite, en direction sur le ci-devant château de Louvois , où la route fait coude à gauche en montant jusqu’à la hauteur des murailles du parc. A cette hauteur elle fait coude à droite, et est trèsrapide à descendre, ensuite coude à gauche pour passer par la petite commune de La Neuville, et traverser la forêt jusqu’au chemin de Mailly ; ensuite, coude à gauche, pour descendre la montagne, nommée Cran-deLudes, au bas de laquelle elle fait coude à gauche pour aller à la proximité des chemins de Ludes, de Chigny et de Rilly, lesquels trois chemins se rejoignent pour ainsi dire à la route où elle fait coude à droite pour Reims ; à 1/2 lieue, une montagne d’autant. Au total, cinq montagnes pour une ; quinze coudes pour. sept. Plus, de Reims à Epernay , de même de Reims à Louvois, la montagne de Monchenot et celle du Cran-de-Ludes sont d’égale longueur ; cette deuxième est beaucoup plus rapide que la première ; plus encore, la route est déserte ; elle est fréquentée par 5,000 à 5,500 habitants au plus , et celle par Epernay est fréquentée, pour ainsi dire la nuit comme le jour, par 5o à 60,000 personnes. Ces différences sont trop marquantes pour ne pas les faire connaître aux personnes qui les ignorent.

En finissant ma carrière , je suis peiné de savoir que les hommes d’un moyen-âge, manquant d’expérience , de prévoyance, ne connaissant pas les ressources offertes par les localités , ont influencé , entravé leur intérêt et celui du pays ; de savoir aussi que d’autres, pour ainsi dire encore des étudiants, nouveaux fortunés, et jeunes négociants, se sont permis de refuser d’entendre les observations des anciens, se permettant , en outre , d’avoir l’air de dédaigner différentes classes ; ces Messieurs devraient faire attention que des hommes ayant une longue existence, n’étant pas en démence , peuvent se rappeler d’avoir entendu, vu, examiné, observé et réfléchi, et donner encore des avis. Ce sont ceux âgés de 70 à 80 et des années, qui ont brisé les chaînes de l’esclavage, ouvert les portes à la liberté , tracé des sentiers à l’industrie, ainsi que des grands chemina à la culture et au commerce, supporté le théâtre dé la guerre, soutenu le fléau du maximum et le fardeau des réquisitions , enfin tous les maux imaginables.

Les personnes dans l’âge au-dessous de 60 ans ont tort de prétendre


( 24 ) que lés anciens n’avaient ni lumières ni jugement; ils n’ont qu’à se reporter aux architectures et aux écritures, ils seront convaincus de leur erreur. Ce ne sont pas toujours ceux qui font de grandes entreprises , découvrant des mines, qui ont le bonheur d’en jouir, ceci n’est pas sans exemple ; le plus convaincant ou notable est le malheureux sort tombé sur le plus grand homme du siècle, qui , après avoir développé le génie , activé la culture, le commerce, les sciences et les arts dans différentes puissances, encombré les coffres du trésor des finances en France, comblé de bienfaits les militaires français , malheureusement a échoué n’étant âgé que de 48 ans. Sa misérable destinée l’a conduit à bord-d’un rocher sur lequel il est mort. Le résultat de ses grandes entreprises a tourné en faveur de ses successeurs. Les deux premiers n’ont pas non plus été heureux ; le deuxième , particulièrement, est devenu malheureux. Le troisième , régnant à la suite de la révolution de 1850 , méritant la confiance de lui avoir mis en main les rênes du gouvernement, a rétabli la paix en peu de temps , par ses forces et ses moyens , de bon accord avec plusieurs autres souverains. Cet accord met à même les cultivateurs , négociants et artisans, de travailler avec facilité. Depuis 45 ans environ , la classe ouvrière fait de grands progrès en civilisation et en industrie, ce à quoi elle ne pouvait pas parvenir précédemment, par la raison qu’elle était liée , pressée , comme le fer et l’acier et autres métaux, dans l’étau , pour y être limés.

Les hommes , dans l’âge au-dessous de 60 ans, n’ont pas éprouvé les peines supportées par leurs prédécesseurs, peines, occasionnées par différents événements et une infinité de changements de gouvernements , dans l’espace de 40 ans ; quoi qu’ils soient beaucoup plus heureux que n’ont été leurs pères , il est facile d’apercevoir que beaucoup d’entre ces Messieurs ne sont pas encore éloignés de la profession dans laquelle ils sont nés ; qu’ils ont, au nombre de, leurs, parents , des ouvriers et des indigents; l’indigence et la pauvreté sont synonimes : « Pauvreté n’est pas vice jusqu’à un certain degré. » La nonchalance, la paresse , l’ivrognerie et autres défauts conduisent dans le goufre-de la plus grande misère , ce qui pourrait être évité en se conformant aux ordres de la nature. Tous les peuples sur la terre devant s’occuper les uns , les autres , à la culture , à la magistrature et enfin à tous les états imaginables qui peuvent être suivis , l’emploi ne devrait être abandonné que pour cause d’infirmité ou de caducité, tant que l’homme n’a pas amassé une fortune suffisante qui puisse le mettre à même de finir ses jours honorablement, comparativement à sa naissance et à l’état qu’il a suivi. « L’état ne déshonore pas l’homme , c’est l’homme qui déshonore son état ou l’honore. » Partie de ceux nés dans l’obscurité , privés de moyens pécuniers, en travaillant et économisant, arrivent à un degré de prospérité; parmi d’autres, nés dans les palais, environnés d’immenses propriétés , accompagnés et dirigés par des professeurs , plusieurs ont le malheur de devenir mauvais sujets. Dans les temps, comme dans toutes les classes, il y en a eu d’uns et’ d’autres ; il y en aura toujours plus ou moins : le moins est à prétendre par l’instruction élevée à plus de dix degrés au-dessus de celle du temps passé. Là naissance et la fortune souvent sont de hasard ; la


preuve est convaincante par la multiplicité des bâtards ; quelques-uns de ceux reconnus, nés dans la haute classe, sont dispensés de chercher des places ; les autres , généralement de toutes classés , abandonnés, oubliés, sont exposés à être mal élevés, ensuite obligés de se livrer aux travaux de tous genres , pour se procurer de quoi vivre et se couvrir.

Différentes fortunes sont amassées par industrie et économie, d’autres sont amoncelées par friponnerie ; il n’y a pas de comparaison de la façon de penser de l’honnête homme et de celle du fripon ; ce dernier, emploie généralement son temps à découvrir lé moyen de faire des dupes. L’homme intègre, au contraire, agit de bonne foi, n’a aucune défiance contre qui – que ce soit ; n’aperçoit pas le piège qui lui est tendu ; s’y laissant prendre, il perd sa fortune, perd aussi l’estime qu’il a toujours méritée de la société. Le fripon effronté, ayant or et argent, se présente partout ; il est admis et fêté par ceux qui ont besoin d’emprunter. Lés bons proverbes sont oubliés : « Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée; si » jeunesse savait, si vieillesse pouvait, tout irait au parfait ». Ces deux proverbes Sont foulés aux pieds. Cependant, les Français sont tous assujettis aux charges de l’Etat, égaux en droits, en ne s’écartant pas des bons principes, suivant le voeu de la loi. Un soldat mal né, ayant pour partage probité et courage, peut parvenir au grade d’officier ; un officier, brave et moral , peùt aussi parvenir au grade de général ; lé général, par sa bravoure et ses exploits honorables, a droit de prétendre à obtenir lé bâton de maréchal : par conséquent aucune classe n’est méprisable, ni ouvrière, ni domestique. Quoique dans cette dernière classe il y ait des sujets manquant dé civilisation, faute d’avoir reçu de l’éducation, ce n’est pas leur faute ; les chefs de maison qui les emploient peuvent charitablement les civiliser et les instruire : c’est un devoir à remplir. On se plaint que le service ne se fait pas aussi bien qu’autrefois ; cela est vrai ; ce n’est pas qu’on manque de domestiques. Beaucoup de maisons, qui n’en occupaient pas, en ont un ; celles qui étaient en usage d’en avoir un, en ont actuellement deux et trois, ce qui donne une apparence de rareté et leur donne de la fierté. Anciennement, dans les grandes maisons, ils y étaient comblés de bontés, ce qui inspirait rattachement et la fidélité ; actuellement ils sont traités différemment, avec un ton de hauteur et de despote.

Ce ton ne convient à qui que ce soit ; il ne fait pas respecter, il est craint et détesté. Les domestiques , comme d’autres , ont leur société ; lorsqu’ils se voient, ils se témoignent leur contentement ou mécontentement. Les mécontents montent la tête aux autres, et le service se fait mal. Le moyen d’y remédier, c’est d’établir, dans chaque maison, un règlement comparable à celui d’un régiment. Un soldat manquant à son supérieur, n’importe de quel grade, la moindre punition qu’il ait à subir est la salle de police. On pourrait insérer dans ce réglement une amende proportionnée à la faute et à la valeur du gage. Lorsqu’un domestique se présente pour offrir ses services, il est disposé à faire tout ce qui peut être fait, et en fait la promesse. En lui présentant le réglement, il aurait, toute liberté de l’accepter ou de s’y soumettre ; en s’y soumettant, il contracterait son engagement. Ce moyen étant employé , pourrait être propagé en peu d’années ; il éviterait aux maîtres et aux domestiques differente à difficultés.


( 26 )

Au nombre des domestiques, il y a des bâtards nés dans de hauts parages ; s’ils connaissaient leur naissance, ils serviraient avec répugnance, se croiraient valoir plus que leurs maîtres ; d’autres sont obligés de servir par suite de revers de fortune ; d’autres encore après avoir servi se font servir à leur tour. Donc aucune classe ne doit être méprisée. Il ne peut y avoir que des sujets mal élevés desquels on ne peut pas tirer parti, étant vicieux, débauchés, et paresseux, qui soient exposés à se voir exclure de la Société. Par exemple, une classe qui a besoin d’être civilisée, même surveillée par la gendarmerie et les cantonniers , ce sont les voituriers. Cependant dans cette classe il y a de braves et honnêtes gens, des cultivateurs estimables ; mais les gens d’emploi qui sont mal élevés , lorsqu’ils ont le fouet en main , se croient les souverains des rues et des chemins, ne prennent aucune précaution pour éviter le danger ; quoiqu’il leur soit ordonné de suivre le chemin à droite , d’un côté comme de l’autre, souvent ils manquent à l’ordonnance. Il conviendrait que les administrations communales publiassent cette ordonnance au moins une fois l’année , comme pour écheniller les arbres et balayer les cheminées »; il conviendrait aussi d’afficher la même ordonnance après les poteaux, qui devraient être plantés à l’embranchement des chemins communaux , indiquant le lieu où le chemin conduit. Ces sortes de précautions, peu dispendieuses, mettraient les voyageurs à même de circuler avec sécurité.

La loi, les tribunaux et les magistrats sont créés pour réprimer et punir ceux qui l’ont mérité ; les fautes étant personnelles , la famille du condamné n’est pas déshonorée-. Les hommes éclairés ne devraient jamais faire de plaisanteries, ni dire des choses déplacées auprès de ceux qui vivent dans l’ignorance. En leur parlant raison, il serait possible de leur inspirer la civilisation , quoiqu’encore éloignée de sa perfection ; on peut prétendre d’y parvenir à la suite des soins donnés à l’éducation par les instituteurs et professeurs, étant en nombre beaucoup plus grand et plus instruits que leurs prédécesseurs ne l’étaient anciennement.

La province Champenoise étant extrêmement vaste , contient beaucoup de sols différents l’un de l’autre en valeurs ; le moindre , en apparence, est celui nommé la Haute-Champagne , surnommé Champagne pouilleuse. Cette dernière dénomination peut exciter à la plaisanterie, et non à l’insulte, de la part des personnes par qui cette province n’est pas connue. Les habitants sont généralement d’honnêtes gens, laborieux et économes, employant toutes leurs forces pour parvenir à leur subsistance sur ce sol ingrat et. aride. La misère de ce pays est moins grande que dans d’autres plus productifs, ce qui prouve que les habitants de cette contrée savent se procurer des travaux. Dans toutes les classes, comme dans tous les états, celui qui n’emploie pas son temps à une chose ou à une autre, est un être inutile, à charge à la société et à charge à luimême. Cette province, quoique regardée comme misérable, a des ressources comme d’autres , particulièrement les cultivateurs, qui ne connaissent ces ressources que depuis environ cinquante ans. Celles de la


( 27 ) terre sulfureuse, prise dans les montagnes, répandue sur les prairies artificielles , leur fait croître de grandes productions. Une autre ressource , de laquelle jusque-là on n’a pas tiré parti, sont les marais tourbeux ; il en existe dans différents endroits du plus mauvais sol de la Champagne , à travers lesquels on pourrait établir des canaux de commune à commune, dans lesquels on voyagerait en nacelle, comme on voyage en voiture sur les chemins. On peut tirer un extrême avantage de cet établissement, par l’extraction de la tourbe coupée en molles d’une dimension convenable pour pouvoir la briller sous les cheminées ; elle produirait la chauffe, et dispenserait les habitants de ce pays d’acheter du bois qu’ils ne peuvent se procurer que dans des forêts éloignées de chez eux. La tourbe brûlée leur produirait une quantité considérable de cendres qu’on pourrait répandre sur les prairies artificielles , ce qui néeesairement améliorerait le sol. Une tourbière intéressante et inépuisable est celle des marais de Saint-Gond, contenant environ 14,000 arpents ; l’exploitation de cette tourbière pourrait être faite, comme celle des forêts , en coupes réglées ; on établirait des carrés en forme de damier, on lèverait, sur une surface de 18 pouces environ, une motte à chaque extrémité des carrés, la troisième au milieu serait conservée ; à la suite d’un long espace de temps , les deux vides se trouveraient remplis de racines provenant de la motte conservée, et puis arriverait le tour de celle motte pour être levée, son vide se remplirait comme celui des précédentes. Ces marais sont inépuisables ; étant exploités de la manière indiquée, ils fou – niraient éternellement de la. tourbe. Au reste, le mieux à faire doit être soumis au jugement des habitants du pays ; un avis n’est pas un ordre, d’autres peuvent être préférables à suivre.

Les places peu chargées de cette tourbe peuvent être cultivées ou plantées en peupliers et en vordes ; il serait plus avantageux d’y faire venir ces deux espèces de bois que de les cultiver soit à la charrue, soit à la bêche , par la raison que la végétation serait rapide , par la raison aussi qu’il est inutile, dans ces contrées , d’augmenter la quantité de terrain propre à la culture, quantité déjà bien assez considérable pour occuper tous les habitants du pays. Les propriétaires devront, ce que rarement ils font, fumer leurs plus mauvaises terres à demi-fumage : au lieu d’avoir environ un arpent de froment, en avoir deux en seigle. On sait généralement que le produit de cette dernière semence est plus productif que celui de la première, dans un sol aride. Dans ces mêmes seigles, les laboureurs pourraient semer du sainfoin, comme cela se fait généralement ; y répandre, pendant quatre ou cinq ans, des cendres de tourbe, ce qui produirait des récoltes abondantes , et quand il est à peu près usé-, la terre se couvre de peloux ; en répandant sur ce peloux un deuxième demi-fumage , la terre, quoique d’un mauvais sol, produirait du froment, ensuite de très-belles avoines et de beaux seigles. Ces moyens indiqués étant suivis avec exactitude , mettraient la Champagne, dite Pouilleuse, dans un état de prospérité comparable au meilleur sol possible, et ce, en moins d’un demi-siècle. La preuve est convaincante par les terroirs de Bisseuil, de Bouzy, d’Ambonnay, de Trépail et autres. Il y a 40 ans , ces terroirs n’étaient pas plus productifs que ceux dont il est question ; depuis ce temps, les cultivateurs se sont donné la peine et ont eu l’intel-


( 28 ) ligence d’employer, sur leurs prairies artificielles, la terre sulfureuse , qui est comparable aux cendres pour exciter la végétation ; actuellement les récoltes sont les plus abondantes possibles. Ce changement de valeur du sol n’est pas un motif pour surcharger d’impôts les propriétaires ; leur modique fortune peut se comparer à celle d’un riche négociant, qui a acquis la sienne en traversant les déserts, les fleuves et les mers ; cette augmentation d’impôts est assez largement payée par l’exemple de l’activité stimulée par le bon cultivateur et le négociant, ainsi que par la chance de réussir ou non. Le haut commerce est suivi et soutenu par les personnes ne craignant pas de perdre leur existence pour alimenter le commerce inférieur ; les uns et les autres devraient se regarder égaux, se tendre la main comme font les francs-maçons , promettant de s’aider mutuellement ; celui malheureusement malversant , n’importe la circonstance qui l’y oblige, est exposé à se voir priver de ses propriétés, quelquefois après cinquante années de travaux, auquel souvent on ne laisse pas les moyens de vivre, pas même ceux de se couvrir, au lieu de l’aider et de le secourir.

Suivant les anciens plans concernant l’établissement de la route départementale dite des Cinq-Chemins, précédemment route des Romains , elle devait être continuée en direction de Bergères à Fèrechampenoise. Dernièrement, il a été accordé un changement en faveur et conformémentaux désirs des habitants de Morains ; ce changement, quoique alongeant un peu la route , sera toujours approuvé par les personnes sensées , en raison de ce qu’il avantagera les communes environnantes, les marais de Saint-Gond et autres , en raison aussi de ce que les chemins , grands comme petits , doivent être , et sont établis pour faciliter la circulation de la population et le transport des produits. Sur ce, les habitants de Morains ont agi à l’inverse des auteurs de la privation du passage de cette route dans le rayon vignoble, le plus important du département , ce qui a été observé différentes fois ; de répéter peut paraître ridicule; cette répétition est pour faire connaître qui a droit, qui a tort, étant persuadé que ces Messieurs se sont occasionné un grand préjudice, plus grand encore contre les intérêts des administrés , ainsi que de ceux contre la Société, n’ayant pas prévu une infinité d’inconvénients, ni des événements , pas même celui des incendies. Quand il en éclate, soit à Avize, soit au Mesnil, les secours sont retardés par la difficulté de pouvoir conduire les pompes d’une commune à l’autre, obligés de faire un détour doublant le trajet. Les pompiers et la pompe d’Avize allant au Mesnil, lorsqu’ils arrivent à la route des Cinq-Chemins , pourraient être proches de l’incendie , s’il était possible de passer par Oger ; les pompiers du Mesnil éprouvent la même difficulté pour Avize, en quittant cette misérable route, à l’embranchement du chemin de traverse , ils devraient être en activité. Le temps mal employé est perdu , ne se retrouvant jamais , il peut être la, cause d’un sinistre affreux. Ce qui est observé dans une des premières pétitions restées dans le


( 29 )

silence, comme celles des précédentes et des suivantes, me laisse à penser qu’elles n’ont obtenu aucune considération, quoique méritantes. Il est constant que beaucoup de communes inférieures ne sont pas moins bien administrées que d’autres supérieures, ceci est convaincant par Plivot, Oiry et Cuis , où les rues, les chemins, sont entretenus et les accessoires soutenus. Avize, chef-lieu, on ose à peine marcher dans l’intérieur, ni à l’extérieur, craignant continuellement de se blesser. Il est vrai que cette dernière commune, a été, pendant plusieurs années , privée pour ainsi dire de presque toute ressource ; elle a soutenu différents procès , et elle les a perdus. Généralement les mineurs sont protégés ; le dernier de ces procès a été intenté contre la propriété de plusieurs, ils se sont vus exposés à se voir privés de leur avoir , chose surprenante ! Leur tuteur ayant proposé des concessions, elles ont été acceptées ; content ou non l’un et l’autre, il en coûte aux deux parties beaucoup d’argent.

Actuellement cette commune jouit de différentes ressources ; d’abord , comme toutes les autres, de la prestation en nature , elle est nombreuse ; ensuite de souscriptions généreuses. On ne doute pas de la loyauté, de l’emploi, ni de la délicatesse des consciences administratives ; néanmoins les travaux , y compris ceux de la route , pourraient être faits plus avantageusement si les égards étaient accordés aux observations admissibles, au lieu d’être contredites par de nouveaux habitants , ne connaissant pas les ressources , par la possibilité de soustraire de la prestation en nature un certain nombre de journées , de soustraire aussi du total des souscriptions , une modique somme, pour réunir le chemin de Flavigny à la rue des Carmes , ainsi que la rue où est situé la Fontaine communale au chemin de Cramant ; ce qui a été indiqué dans un exposé soumis long-temps avant l’entreprise des réparations d’une maison tenant à celle que M. Perrier vient de faire démolir avec intention de faciliter le passage : ces deux maisons sont en face et présentent la largeur de ladite rue.

Plus tard , s’il eut fallu attendre, on aurait fait l’acquisition d’une autre maison dans le fond de la cour commune, et tenant au jardin de Prin, qu’on aurait pu morceler, moyennant une indemnité ; ces deux derniers objets sont d’une faible valeur. Les deux premières réunions ayant eu lieu, auraient singulièrement flatté les habitants , et les auraient engagés, ainsi que les forains , à se prêter de bonne grâce aux voeux de l’administration : les choses faites à propos , excitent la bonne volonté ; les discours et les promesses rebutent.

Dans le temps passé, les propositions dans l’intérêt général étaient considérées et même respectées ; actuellement, l’opinion et la persévérance pour la même cause exposent à des désagréments de la part des égoïstes, ennemis du bien public , qui veulent tout pour eux et s’embarrassent fort peu du bonheur ou du malheur des autres.

Chacun a ses ennemis ou ses antagonistes : les miens , quand j’eus perdu la vue, ont détruit tout ce j’avais établi ou empêché de faire ce que j’avais conseillé dans des mémoires, bien accueillis par le chef du Gouvernement actuel : différentes communes ont suivi mes avis.


( 30 )

Des observations faites avec de bonnes intentions , soumises à une administration , ne devraient pas être rejetées avec mépris , sans avoir été examinées , quoique déposées pendant plusieurs années , particulièrement celles souscrites par un homme au nombre des plus âgés , honoré , dans plusieurs occasions, des titres d’approbation ordonnés par Sa Majesté.

La réciprocité des égards est un devoir auquel les honnêtes gens doivent se conformer.

Avril 1838.

C. SOULÉS.

IMP. BONIEZ.

 

Frère du Guillotiné Antoine Prosper Soulès